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Fou d'amour de Philippe Ramos - 2015

Fou d'amour de Philippe Ramos - 2015

Comment être un saint au jardin d'Eden? Comment être un esprit pur en robe noir et col blanc quand tout autour de vous n'est que jupes légères et peau laiteuse? Sur cette terre sans homme, le nouveau curé ne se pose pas longtemps la question. Il accumule les reines dans ce royaume de paysans illettrés.

Inspiré d'un fait divers macabre, Melvil Poupaud habite (avec l'ironie et l'irrévérence pour lesquelles on l'a adoré dans Laurence Anyways) le personnage équivoque du curé d'Uruffe ayant commis ses indicibles crimes aux abords de Lyon en décembre 1959. Fin stratège, il aurait pu inspirer Machiavel mais rattrapé par ses bas instincts il finit comme Marie-Antoinette. Jamais repentante, c'est alors une tête coupée qui nous fait le récit des grandeurs et décadences d'un corps tout-puissant en son paradis terrestre. Chacun de nous est donc le confesseur privilégié d'un condamné à mort déjà revenu d'outre-tombe. Nul doute qu'avec une telle trame Philippe Ramos filme avec la même fièvre romantique que Victor Hugo ou Chateaubriand.

Le marivaudage tourne à l'épreuve biblique. Notre Abraham de la campagne lyonnaise n'a foi qu'en l'hédonisme et les plaisirs charnels. Mais la colère divine finit par le mettre à l'épreuve. En effet, même Adam finit par s'ennuyer parmi ses Eve insatiables. Comme la justice, Rose est aveugle. Voilà une divine Diane Rouxel en Vénus vengeresse (déja remarquable dans la Tête haute d'Emmanuelle Bercot). La jeune fille va faire naître en lui des sentiments jusque-là insoupçonnés, jusqu'à lui faire perdre la raison. Le curé jouisseur devient un supplicié hanté par ses passions. La tête est définitivement mangée toute crue par le corps. Le héros tourmenté est à l'image de sa bibliothèque. Les livres sacrés sont fièrement arborés alors que les œuvres profanes sont bien cachées au fond du tiroir. Pourtant, l'homme d'église au désir infernal est à lui seul une tragédie shakespearienne, au point qu'il déposera le corps de sa bien-aimée dans les mêmes dispositions que l'Ophelie d'Hamlet.

Amère ironie! Il ne se perd aux yeux de la société que lorsqu'il tombe (fou) amoureux. La loi des hommes est impitoyable, minérale, glaçante, quand celle des femmes est bienveillante, sensuelle régnant en maître dans un désert végétal. Parsemé de quelque visions oniriques, le film se veut être un conte moral sans jamais être moralisateur. La véritable héroïne de ce conte pour adulte n'est autre que la végétation flamboyante et enivrante. Ramos signe une ode à Mère Nature dans une oeuvre contemplative qui ne manque pourtant pas d'élans audacieux de par sa structure narrative. Le sujet est lourd pourtant la mise en scène est solaire. La lumière voile les actrices avec un érotisme chaste. Chaque inclinaison des corps est vécue comme un rituel religieux, tantôt une prière, tantôt une offrande. Toutefois on peut regretter que ces Amazones du septième art, toutes excellentes (Diane Rouxel, Dominique Blanc, Lise Lamétrie), n'aient pas la chance d'avoir des rôles tout en nuance.

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