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Emma va (enfin?) au cinéma!!

سلام les amis!!

Je sors tout juste de la séance et je suis si contente de voir Jafar Panahi au sommet de son oeuvre avec ce dernier coup de canif porté contre les règles du jeu au pays des Mollah. On pensait que Rohani avait adouçi les moeurs mais le cinéaste captif  n'est toujours pas autorisé à filmer, encore moins à quitter le territoire. L'Iran garde précieusement l'atout majeur de son "soft power"?..pas sûre qu'il y ait tant d'égards pour le chef de file de la Nouvelle Vague.

Après Taxi Téhéran (2015), l'iranien repousse une fois encore les limites entre fiction et documentaire. L'exilé dans son propre royaume reste un acharné de l'irrévérence poétique. A la fois subtil et féroce, Jafar Panahi ne manque pas une occasion de pointer du doigt l'hypocrisie du système et les crispations d'une population rurale, pauvre mais armée de paraboles et de portables. On peut bouder la démocratie et multiplier les interdits, mais on peut difficilement empêcher les gens de créer du lien et de s'informer, même par écrans interposés. 

Et c'est bien à partir d'une vidéo envoyée que tout notre imbroglio commence. Manipulation? Tragédie? Mise en scène? Acte désespéré d'une jeunesse empêchée? Le réalisateur serait-il en train d'apprendre une leçon à son actrice? Avec cette histoire déterrée du fond d'une société qui étouffe, ce n'est pas pour rien que le film a reçu la Palme du meilleur scénario cette année. De mise en abîme en questionnement sur les relations humaines et l'imparable rapport de force qui préexiste à  tout échange, le cinéaste azéri convoque deux des plus grands génies du septième Art : son pygmalion Abbas Kiarostami et le plus théâtral des naturalistes, Ingmar Bergman. Entre le Goût de la cerise (1996) et Persona (1966), vous comprendrez très vite que le suicide n'est qu'un prétexte pour faire surgir la pulsion de vie. Vous comprendrez surtout que les 3 visages ne sont que les faces d'une même femme. L'Iranienne en pleine puissance, celle d'hier, celle d'aujourd'hui et celle de demain. Elle veut jouer et danser, par tous les moyens. D'abord, Shehzad, toujours hors-champ, l'artiste peintre est une ancienne icône du cinéma Iranien sous le Shah, ange déchue condamnée à la solitude après la révolution. Ensuite, l'actrice Behnaz Jafari, jouant son propre rôle entre tristesse, colère et résignation et la jeune et "écervelée" Rezaeh Marzieh (elle-même...sans surprise) qui cherche par tous les moyens à s'émanciper pour entrer au conservatoire de Téhéran.

La présence de Jafar Panahi sert à porter ses actrices et à garder le poing levé.. en tout cas le majeur levé contre toute forme d'interdit. "Il faut créer ses propres règles,  c'est une question de cohérence". 

Enfin, Panahi reste pour moi le cinéaste du son. Et jusqu'à la dernière seconde du film il fera gronder le bruit de la liberté à coup de petits pas dans le sol. Il y a quelque chose de mystique au pays de Panahi, comme une force du destin, pour dire que faire un film est déjà un miracle en soi alors mettons-le en scène.

Allez-y, si comme moi vous êtes nostalgique de ce pays qui n'est pas le vôtre, que vous ne connaissez pas mais que vous sentez toute la puissance créatrice qui couve sous le voile. 

Je vous invite aussi à regarder la série de documentaires proposée par Arte qui rend hommage à Téhéran en suivant quelques-uns de ses habitants le temps d'une journée, entre séance chez l'esthéticienne et assistante sociale au caractère bien trempé..

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