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Les Chansons que mes frères m'ont apprises - Chloe Zhao - 2015

Les Chansons que mes frères m'ont apprises - Chloe Zhao - 2015

Dans ce premier film, la jeune réalisatrice filme l'alcool et la nostalgie dans la réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud.

D'abord, la nostalgie de cette spiritualité, de cet esprit communautaire en harmonie avec la Nature que les jeunes indiens en cage n'ont pas connu. L'alcool, surtout, l'opium de ceux qui ne sont plus tout à fait Indiens, pas encore Américains, des citoyens réservistes de seconde zone. Alors les parents désinhibent leur amertume pendant que les enfants ramassent les bouteilles vides et inhibent ce qui leur reste d'espoir. La cinéaste filme en plans furtifs et serrés. La caméra caresse ses personnages mais jamais ne les console. Johnny (John Reddy) et sa petite soeur Jashaun (Jashaun St John) n'ont pas besoin de notre compassion. Ils s'en sortent très bien tous seuls. Les nouveaux orphelins sans patrie doivent maintenant faire le deuil d'un père absent qui avait pourtant tellement d'amour à donner qu'il laisse 9 femmes et 25 enfants. Loin des paillettes d'Hollywood, les adolescents livrés à eux-mêmes n'ont pas d'autre choix que de finir monteur de taureaux ou boxeur s'ils veulent toucher du doigt l'American Dream, ses lassos et sa country.

Chloe Zhao redonne leurs lettres de noblesse à ces bâtards sans nom, à ces mustangs déchus. Comme nous l'explique Johnny Winters, à force de les priver de liberté on finit par briser l'esprit du cheval. Dans ce premier coup de maître produit par Forest Whitaker et le festival Sundance, la jeune femme interroge cinquante ans de cinéma silencieux au sujet de ces Peaux Rouges qui ne sont pas juste bons à faire la danse de la pluie dans des westerns kitchissimes. Ne s'est -il rien passé depuis Wounded Knee et l'occupation de la réserve par le Mouvement des Indiens d'Amérique?

Comme chez Terrence Malick (celui de Tree of Life, pas celui de son cousin maléfique d'A la merveille of course) on retrouve l'Eros et le Thanatos. La même grâce habite les mouvements des acteurs, qu'ils se battent ou fassent l'amour. En revanche, contrairement au cinéaste barbu, elle tente de filmer la foi et le culte comme des vestiges de l'assimilation forcée, comme un aveu de la domination symbolique du WASP sur les colonisés. Enfin, Zhao flirte avec le film noir au coeur des Rocheuses. L'intimité se joue dans l'immensité d'un paysage indomptable, sec et minéral alors que la moiteur du ghetto abrite les rivalités qui grondent parmi les jeunes bootleggers.

A force de visions volcaniques, de cendres fumantes et de flammes vengeresses, l'incendiaire derrière la caméra suggérerait-elle de mettre le feu à la désintégration de l'identité indienne? En tout cas nos deux héros sont bien décidés à reprendre le flambeau de l'Histoire à reconquérir.

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