Atiq Rahimi, l'exil au royaume des mots

Je suis né dans le verbe. Religieusement. Socialement.
J'ai beau m'enfuir, mais je ne peux m'en défaire.
Je retourne au verbe, comme pour retourner à mon pays de naissance.

Invité à la 25ème Heure du Livre au Mans, Atiq Rahimi dévoile les courbes labyrinthiques de la calligraphie. Dans sa Ballade du Calame, tout juste éditée par L'Iconoclaste, l'auteur réinvente l'exil au royaume des mots.

L'expatrié forcé forçat de la littérature est toujours en mouvement depuis trente ans loin de Kaboul. Condamné à n'être jamais chez lui où qu'il soit, il préfère trouver refuge dans les formes dansantes du mot à écrire et les envolées lyriques des poètes indiens et perses. Cocorico! Il fait aussi la part belle à nos surréalistes, joyaux de la couronne.Les lettres sont des femmes sensuelles qui le rappellent toujours à la mère. Maman adorée? Mère patrie? Mère nourricière? Sainte littérature? Il prend tout. Il vient de tout. Les langues écrites sont pour lui autant de liens qui libèrent. A l'ombre de chaque mot on découvre une spiritualité sans serment et sans contrainte si ce n'est d'avoir toujours les yeux grands ouverts sur l'Autre. Du bout du calame il dessine des ponts entre les religions sans jamais tomber dans un idéalisme niais. Au contraire, l'érudition habite cet essai à la saveur autobiographique non pas par orgueil mais par souci de rappeler que nous ne sommes jamais que la somme des livres que nous avons lu, des contes de notre enfance à nos tentatives ratées de comprendre Nietzsche.

Pour un athée, il n'oublie pas de faire la part belle à Eve. La vilaine amatrice de crumble et autre apple pie n'a pas croqué la pomme en vain! Elle a défié Dieu pour nous donner des sensations, nous révéler notre nudité et permettre à Atiq Rahimi d'inventer quelques néologismes pour dire son enracinement au monde. Le polyglotte joue au prestidigitateur avec les lettres étirées contre les idées courtes. La "callimorphie" dit tout du processus créatif et du besoin viscéral d'écrire. Les lettres prennent alors corps contre la nostalgie d'un Afghanistan qui n'existe plus.

Alors courez chez votre libraire vous délecter de cette parade nuptiale entre le poète et le geste d'écrire!