Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Notre petite soeur de Hirokazu Kore-Eda - 2015

Notre petite soeur de Hirokazu Kore-Eda - 2015

Avec Notre petite sœur, Kore-Eda décline la transmission et la résilience sur un mode aussi mièvre que soporifique. Adapté du manga "Kamakura Diary" écrit par Akimi Yoshida, le film s'agrippe à trois sœurs d'une vingtaine d'année, vivant dans la vieille demeure familiale. Le père, parti quinze ans plus tôt pour une autre femme, meurt subitement en laissant une quatrième orpheline, Suzu. Lors des funérailles, les jeunes femmes se prennent de compassion pour la collégienne de 14 ans et décident de l'inclure à la fratrie.

Tout le monde s'aime d'amour tendre. Il n'y ani faux pas ni bas instincts pour remonter à la surface et venir égratigner le vernis lisse de leur bonne humeur béate. Pourtant Suzu (Suzu Hirose) est le fruit du déshonneur. Mais sa pureté et sa gentillesse ont immédiatement raison de l'amertume des grandes sœurs. Alors on s'ennuie prodigieusement en attendant un retournement de situation qui aurait fait passer cette orgie de barbe à papa pour de l'ironie cinglante. Mais non! Les bisounours gloussent. Les bisounours mangent dix fois par jour. Les bisounours étendent le linge. C'est à peu près à ces seules activités haletantes que se résume le film. Les actrices se prêtent généreusement à ce jeu désuet, sans aspérité, où la moindre dissonance tourne court au profit d'un silence capable d'apaiser les tensions comme par magie. Il ne se passe fondamentalement rien.

Unies par le même silence autour de l'absence du père, la plus jeune est encore la seule à avoir vécu avec cet homme qu'elles ont en commun, "pitoyable mais gentil". Chacune de ces femmes court après celui qu'elles ont à peine connu à travers des relations médiocres. Kore-Eda s'accroche à cette convention stylistique usée jusqu'à la corde qui veut que les héroïnes de film sont d'autant plus fortes et libres que tous les hommes de leur vie sont lâches. Mais cette entourloupe ne suffit pas à tenir un discours féministe. N'est pas Polanski qui veut. D'autant plus que chacune des sœurs incarne très vite une figure archétypale au sein de la fratrie. Sachi (Haruka Ayase), l'aînée, tient évidemment le rôle de seconde mère autoritaire, directive et ambitieuse. Yoshino (Masami Nagasawa) est la cadette volage mais en quête du grand amour quand la benjamine Chika (Kaho) est la jeune ingénue, gourmande, toujours la tête dans les nuages.

Plus que la richesse des personnages, le réalisateur japonais s’attelle surtout à filmer l'effet du temps, celui où l'héritage relève de la bienveillance et du vivre ensemble. Les quatre sœurs sont le sommet d'une montagne : mystérieuses, impénétrables,infranchissables. Tour à tour elles partagent le secret religieusement gardé d'un certain art de vivre transmis sans fioriture de l’aînée à la nouvelle recrue. Les liens du sang deviennent les liens du cœur dans les petites habitudes du quotidien et le goût du "beau" à portée de main entre vues panoramiques et fleurs de cerisiers. La nature est certes flamboyante, englobante mais cet interminable film de vacances en bord de mer reste du Naomi Kawase sans la grâce mystique. Le discours sur la profondeur des sentiments supposés être à l'image du changement de saison sonne creux.

La musique, comble de l'horreur, nous rappelle indubitablement à notre condition de spectateur forcé du téléfilm du dimanche après-midi. Tous les traits sont forcés au point que Kore-Eda semble reprendre l'outrance du manga sans jamais tendre vers le réalisme de cent ans de cinéma japonais, subtil, à fleur de peau et poétiquement formel.

A entendre ces amatrices de bière, l'alcool adoucit les mœurs. Alors qu'elles s'émerveillent d'un rien comme pour combler le vide intersidéral du scénario, nous aussi on aurait aimé goûté à cette petite liqueur de prune dont elles parlent tant pour pouvoir rire bêtement avec elles. Il y a déjà le roman de gare, la psychologie de comptoir et le gâteau au chocolat sans gluten. Il faudra désormais compter avec ce cinéma "trop choubidou / kawaii" joli mais inoffensif que certains ont eu la complaisance de sélectionner à Cannes.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article