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A Most Violent Year de JC Chandor - 2014

A Most Violent Year de JC Chandor - 2014

L'année 1981 n'a pas seulement vu naître Britney Spears et Dynastie. Elle a aussi été l'une des plus meurtrières aux Etats-Unis. Les policiers deviennent la cible privilégiée d'une vague de meurtres sans précédent quand ce ne sont pas les séries de viols qui secouent New-York. L'hiver est rude mais il faudra du sang-froid à Abel Morales (Oscar Isaac) pour rester intègre dans le milieu de la duperie organisée. Visiblement, le réalisateur de Margin Call (2012) poursuit sa quête effrénée de l'absolu dans un monde soumis aux lois du marché.

Abel est un homme d'affaires qui a parfaitement réussi à monter sa propre affaire dans le monde impitoyable du pétrole new-yorkais. Jalousé, il est désormais confronté aux agressions régulières de ses chauffeurs et voit ses camions chargés de fioul volés. Mais ce qu'il pense n'être qu'une tempête passagère ne le dévie en rien de son projet fou. Depuis plusieurs années le séducteur qui excelle dans la force de vente négocie l'achat d'un terrain qui lui permettrait d'avoir la main-mise sur l'ensemble du secteur. L'accord est signé, deux valises contiennent ses dernières économies mais il doit apporter 1.5 millions de dollars d'ici 30 jours. Avec ce pari de la dernière chance, c'est alors une course contre la montre qui anime cet homme de défis. Mais rien n'est simple! Non seulement l'enquête qui s'est ouverte contre lui depuis deux ans commence à porter ses fruits mais en plus un de ses chauffeurs se fait à nouveau agresser. Un certain Julian, lui aussi d'origine mexicaine, a la mâchoire cassée et retourne la peur au ventre au travail. Cette fois, il est armé, sans licence. Une seconde offensive le pousse donc à entrer dans l'illégalité. Avec ironie, une solidarité se fait entre hors-la-loi, à l'image, sûrement, de la corruption en col blanc.

Le chauffeur fuyard pourrait bien coûter sa légitimité au patron qu'il admire. Peut-être, cette relation ambiguë pourrait être le véritable ouvrage de ce thriller magistral. Le film de genre revêt symboliquement les attributs du mythe Biblique ou Abel (le prénom de notre businessman au coeur pur n'est certainement pas un hasard), le fils droit et travailleur à qui tout réussit ne fait que renvoyer à l'échec d'un Caïn, simple chauffeur mexicain qui se débat inlassablement mais perd toujours pied. L'un a tout, l'autre n'a rien. Cette lutte fratricide renvoie aux questions fondamentales qui heurtent les Etats-Unis aujourd'hui. Monsieur "American Dream" est littéralement happé, mangé tout cru par le destin qu'il s'acharne à construire. Son orgueil le condamne à avancer à allure folle, lui, l'ancien chauffeur latino devenu le roi du pétrole qui ne veut plus parler qu'en Anglais. Comment se sentir Américain si pour cela il faut nécessairement réussir plus que les autres?

Attaqué de toutes parts, son intégrité est pour Abel la marque indélébile qu'il est à sa place parmi les hauts dignitaires de New-York. Intimement convaincu de sa supériorité sur ses concurrents mafieux, il méprise toutes les attaques qui lui sont adressés. Mais qu'en est-il de son entourage? On ne peut pas mener la danse dans ce milieu sans que quelques uns se salissent les mains pour vous. Sa femme, Anna (Jessica Chastain), travaille dans l'ombre mais c'est bien elle qui tient les comptes et la maison. A elle seule elle habille le marquage temporel du film entre robes à épaulettes, ongles outrageusement interminables et maquillage excessif. Fille d'un petit gangster de Brooklyn, elle est électrisée par le pouvoir de l'argent, les coups de feu et la guerre en marche. Elle ne serait pas non plus contre les méthodes expéditives de papa et le temps béni où la mafia pouvait tout. Du haut de sa tour d'ivoire, elle ne semble souffrir d'aucun point faible. Même les accusations de fraude fiscale et de détournement de fonds de l'atteignent pas. Mais nous ne sommes pas dans un film de Scorsese, même si l'analogie avec Mean Streets est évidente. Les armes et les menaces sur fond de dolce vita n'ont pas leur place dans le monde de JC Chandor. Ici, on ne gagne pas à tous les coups et il faut s'armer de patience pour atteindre ses objectifs. Tantôt dépossédé, tantôt humilié, tantôt conquérant, c'est dans sa vulnérabilité que le héros fait entrer ce film dans l'excellence. Ajoutez à cela une chanson d'Alex Ebert qui déconstruit l'identité américaine, et vous aurez un pur objet d'art.

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