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Little Bird de Boudewiju Koole - 2012

Little Bird de Boudewiju Koole - 2012

Jojo porte les gants de vaisselle comme des gants de boxe et arrive toujours conquérant de sa course contre le temps. Animé par l'énergie de ses dix ans, le jeune garçon va pourtant se montrer doux et protecteur en se prenant d'affection pour un oisillon abandonné par sa mère. Il ne peut que se reconnaître dans cette tragédie ornithologique. Assumer les responsabilités parentales n'est pas chose aisée mais si en plus vous ne donnez pas de graines à votre progéniture, elle ne risque pas de voler de ses propres ailes. C'est un peu l'histoire de Jojo qui se joue à travers cette filiation improvisée. Il vit seul avec un père taciturne pendant que sa mère, célèbre chanteuse de country, serait partie pour une longue tournée aux Etats-Unis. Il l'appelle régulièrement, enjolive un quotidien morne et promet mille merveilles pour son retour. Mais l'illusion tourne court. Tous les indices hantent cette maison qui ressemble davantage à un autel mortuaire qu'à un doux foyer familial.

Pour ce premier long-métrage, le cinéaste néerlandais filme à hauteur d'enfant le douloureux travail de deuil. Comment s'armer contre la mort de sa mère quand votre père se réfugie dans le mutisme, la bière et la violence? La caméra de Koole frôle l'homme endeuillé sans jamais le regarder de face. L'image est morcelée comme pour insister sur le caractère fuyant d'une ombre qui ne demande qu'à sortir du cadre. Il préférerait peut-être être six pieds sous terre plutôt que de continuer son travail d'agent de sécurité. Toujours en uniforme, ce père désœuvré a plus tendance à faire jeux de mains jeux de vilains avec son fils qu'à assurer sa sécurité. Comme obnubilé par la mort, il interdit les plantes et les animaux chez lui. Aucun être vivant ou vivace ne passera le seuil de la porte.

Jojo n'en est pas moins populaire dans son club de water-polo et à l'image du "bon sauvage" de Rousseau parmi la nature verdoyante. Mais à peine rentré de l'école, Jojo comprend vite que son existence même est une insulte à la mélancolie de cet étranger. Il s'invente une autre famille avec cet amour réciproque pour le fidèle choucas. Ce secret à plumes, qu'il cache précieusement à son père, est un mystère de monogamie, d'amour fidèle où l'un lave, nourrit, soigne l'autre. L'oiseau grandit à mesure que le garçon le materne, lui, l'orphelin. Se dessine alors un jeu de miroir où l'enfant console sa peine, accepte finalement le deuil en couvant l'animal muet comme il aimerait être couvé sans avoir les mots pour le dire.

Boudewiju Koone n'a plus peur de rien. Il a commencé par l'impossible en tournant avec les deux acteurs les plus capricieux (si on exclut Leonardo DiCaprio) : un enfant et un animal. Ce filme sur l'irréparable absence, le manque insolent, nous dit bien que la seule solution de repli c'est la poésie. Quoique, le défi et la révolte font aussi leurs preuves. On n'est décidément jamais aussi lucide qu'à dix ans.

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