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Knight of Cups de Terrence Malick - 2015

Knight of Cups de Terrence Malick - 2015

Le cinéaste qui n'a fait que quatre films en trois décennies serait-il devenu trop prolifique ces dernières années? Touché par le syndrome "Woody Allen", Terrence Malick s'évertue à présenter un film par an. Cannes en salive d'avance mais à nous de démêler le laid du beau. A notre corps défendant, l'ivresse de the Tree of Life commence sérieusement à se dissiper avec ce "Cavalier de Coupe". Ne retenant que les tics de langage de sa Palme d'Or, le réalisateur se perd complètement dans les fioritures de sa mise en scène jusqu'à en oublier ce qu'il filme. Pourtant, il nous a habitué aux plans qui divaguent, à une caméra qui caresse la grâce de ses personnages et aux contre-plongées qui ne sont là que pour nous faire courber l'échine devant un Dieu miséricordieux. Mais peut-on se satisfaire du même discours film après film? Chaque homme est une part de Dieu, chaque homme est un dieu. L'humanité, obsédée par la nostalgie inconsciente des Cieux, érige des tours pour toucher le ciel du doigt quand ce ne sont pas les avions qui viennent se substituer à cette impossible contact avec le spirituel pur. Tourmenté entre son désir charnel, bassement matériel et ses prétentions divines, les profusions de l'âme, l'individu n'est jamais qu'un pèlerin sur Terre. Malick semble être encore pouruivi par ces questions ontologiques qui nous ont bouleversées en 2012. Mais entre son grotesque A la merveille et Knight of Cups, il persiste à singer son chef-d'oeuvre entre mimétisme grossier et philosophie des cavernes.

Rick (Christian Bale) est un scénariste à succès mais sent pourtant un vide abyssal monter en lui. Roi parmi les rois, il enchaîne les soirées mondaines, les galas alcoolisés et les nuits de débauche où les filles faciles se pâment devant lui. Mais malgré ces folles passions éphémères il est désespérément seul. Ce film se veut aussi un travail sur l'impossible deuil de l'amour. Comment survit-on à la mort d'un frère? Rick décharge toute sa torpeur sur le souvenir de ses conquêtes féminines quand Barry (Wes Bentley) invective un père moribond à coup d'insultes et de chaises sur la table. Tout le récit s'écrit à plusieurs voix en visions énigmatiques d'une diseuse de bonne aventure. Comme omnisciente, chaque carte de Tarot cache un bonheur fugace avec les femmes de la vie de ce Prince de l'Est tombé dans un profond sommeil. Aussi, cynique malgré lui, Malick nous invite à penser que toutes les expériences sont interchangeables. Ces objets accoutrés en déesse doivent faire quarante kilos et/ou être blondes pour gagner le droit d'être filmées par le cinéastes du transcendantal. Portman, Blanchett ou Poots ne sont que des nymphettes aphones sommées de virevolter bêtement, naïvement, autour d'un Bale scandalisé par tant d'inepties assénées avec un sérieux ouvertement religieux. Malick prétend filmer l'errance sans origine et sans but de l'humanité. Qu'il commence déjà à donner une voix aux individualités plutôt que de se complaire dans une virilité mal placée qui essentialise les femmes comme de jolies poupées sans vie juste là pour se montrer aussi nues que grâcieuses. Dans cette galerie de portraits, elles sont toutes à l'admirer, le désirer et le comprendre mieux qu'il ne se comprend lui-même alors que Rick ne donne strictement rien si ce n'est un visage inexpressif.

Une voix off sentencieuse à l'accent germanique intime à Rick de ne pas se départir de sa foi. Voilà à quoi se résume le film : un cinéaste tout puissant qui invoque le caractère sacré de son énigme creuse pour mieux torturer ses acteurs. Comme nous, ils semblent se demander ce qu'ils font là. Dans un jeu unanimement apathique, les stars à l'affiche s'inventent une crise existentielle à laquelle elles ne croient pas. Chacun récite un texte ampoulé et sans épaisseur quand ce ne sont pas leurs dialogues qui sont mis sous silence pour nous remettre une couche de Arvo Part. Le compositeur minimaliste au ton lancinant est devenu le joujou indispensable de toutes les scènes dramatiques pour cinéaste à court d'argument ces dix dernières années. D'un revers de caméra Terrence Malick balaye toute chair et toute grâce de ses plans à la texture parfaite mais qui ne servent en rien son scénario. Comment parler du vertige ésotérique avec de jolies photos de vacances et un clip promotionnel de deux heures pour Los Angeles? Voilà le véritable mystère que le spectateur aimerait dévoiler.

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