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La couronne sans la fève

La couronne sans la fève

Pour qui celle-là? Non! Je ne vais pas vous demander de vous mettre sous la table pour choisir qui aura la prochaine part. Je profite seulement de ce moment de grâce où la consommation excessive de galette des Rois est autorisée par le Code Pénal de la Pâtisserie pour écrire un article qui fera certainement polémique dans les milieux royalistes. Bizarrement, peu de films ont évoqué le thème grave de l'addiction à la frangipane et aucune galette n'a à ce jour eu le premier rôle dans un blockbuster américain. Il faudra donc se contenter d'une sélection plus sobre et plus consensuelle autour des rois et des reines au cinéma. Voilà donc huit films portant à l'écran des titres évocateurs pour ceux qui n'ont même pas eu besoin de fève pour porter la couronne.

La couronne sans la fève

La Reine des Pommes de Valérie Donzelli (2010) - Pour son premier film, la cinéaste française embrase nos écrans avec cette ritournelle aussi drôle que poétique. Fraîchement délaissée par Mathieu, Adèle n'a plus le goût de vivre. Sa cousine (Béatrice de Staël) aux manies de célibataire va tout faire pour la sortir de sa torpeur. Mourir ou coucher? Il faut choisir. Pour Rachel, il n'y a pas d'autre remède à la maladie d'amour que d'enchaîner les rencontres d'un soir. A son coeur défendant, Adèle va livrer son corps pour oublier le vieil amant. Pour dire la prégnance d'une douloureuse nostalgie, le visage de Jérémie Elkaïm s'invite dans la galerie des amoureux éphémères jusqu'à ce qu'Adèle, peut-être, soit délivrée de ce vilain sort. Film au petit budget mais aux grandes ambitions, Donzelli scultpe là ce qui sera sa marque de fabrique, à savoir les rainures d'une liaison dangereuse. Ici, Images enfantines et audaces de jeunes réalisatrice sont à croquer!

La couronne sans la fève

Les Neuf Reines de Fabian Bielinsky (2000) - Première reconnaissance internationale de Ricardo Darin, ce film est une heureuse combinaison de satire sociale et de chronique de la vie de voyous. Dans une Argentine à deux vitesses, où l'ascenseur sociale est en panne et l'économie à la casse, ce sont deux générations qui vont s'allier pour organiser le casse du siècle. Marcos, un vieux briscard à qui on ne la fait pas, va jouer au Pygmalion avec une jeune recrue, Juan. Le débutant est l'unique chance pour Marcos de faire fortune en volant des timbres assez précieux pour ne pas être vulgairement léchés sur une carte postale. Qui bluffe? Qui arnaque qui? Le temps d'une journée ce sont toutes les illusions, les jeux de dupes et les imprévus qui vont feront faire un tour de montagnes russes.

La couronne sans la fève

La Reine Margot de Patrice Chéreau (1994) Ne cherchez pas le réalisme ni la véracité historique dans cette oeuvre aussi macabre qu'envoûtante. Chéreau n'est pas un historien, simplement un esthète qui sait capter le désir où il est. Jusqu'au massacre de la Saint Barthélémy, nous suivons le règne tortueux et les complots de cour au temps du déséquilibré Charles IX et de l'ambitieux Henri IV. Evidemment, celle qui nous intéresse, c'est cette déferlante de beauté et d'insoumission que l'on trouve à chaque pas de Marguerite de Valois (Isabelle Adjani), épouse forcée du béarnais protestant devenu roi catholique. Eprise du favori de Môle qui devient figure christique sous la caméra de Chéreau, la Reine Margot porte en elle toute l'ambition visuelle d'un metteur en scène d'opéra, cinéaste à ses heures perdues. La chair et rien d'autre. L'appel du corps comme un acte de résistance contre les massacres politiques. A l'image du fourmillement artistique qu'il a pu produire avec le génial Pierre Boulez, l'objet film n'est là que pour suggérer l'organique, l'imprévisible vivant. Film étourdissant!

La couronne sans la fève

Le Roi Lion des studios Disney (1994) - Dessin animé préféré de toute une génération qui s'émeut encore d'un "c'est moi qui ai tué Mufasa", le Roi Lion est peut-être le dernier chef-d'oeuvre des studios Disney. Avec ses accents dramaturgiques, le film invite Shakespeare dans les Hautes terres africaines. C'est bien Hamlet qui inspire cette histoire d'enfant livré à lui-même après l'assassinat crapuleux de son père, le roi respecté et bienveillant, par un oncle tyrannique aux sinistres projets. Le jeune Simba doit fuir, s'inventer le passage de l'enfance à l'âge adulte, laissant sa mère dans les griffes de Scar. Mais cette gravité inhérente à tous les Walt Disney est évidemment un bijou d'humour, d'ironie et de dialogues devenus classiques. Et tout cela sous l'effet d'un trait qui vieillit plutôt bien. Hakuna Matata!

La couronne sans la fève

Le discours d'un roi de Tom Hooper (2010) - Malgré la Révolution Française, aujourd'hui encore, tous les rois ne naissent pas libres et égaux en voix. Pour pallier cette injustice de droit divin, Tom Hooper fait le portrait de George VI, roi malgré lui. Alors que son père est sur son lit de mort et que son frère s'acoquine avec une roturière, divorcée de surcroît, le prince cadet se voit allouer un matin de mai 1937 la lourde tâche de régner sur le pays. Chaque déclaration à la radio est un désastre. Le roi bègue devra faire ses preuves pour animer la ferveur populaire à la veille de la seconde Guerre Mondiale. Le nazisme gronde mais ce qui inquiète pour le moment ce sont les voyelles et les allitérations. L'épouse du roi pousse sa majesté dans le cabinet de Logue, un orthophoniste aux méthodes étranges. La magie opère dans ce huis-clos comme à l'écran. Pétri de bons sentiments et de douleurs intimes, ce récit fonctionne par le jeu de Colin Firth comme par celui de Geoffrey Rush. Preuve qu'il ne faut pas que du sang et des larmes pour gagner la guerre, il faut aussi l'éloquence du verbe rassembleur.

La couronne sans la fève

Queen of earth de Alex Ross Perry (2015) - Pour le réalisateur, l'amitié entre femmes est une suite de poisons mortifères savamment administrés. Plus qu'une histoire sur la folie, le réalisateur dresse un portrait acide de deux lionnes en cage qui prétendent être les meilleures amies du monde. Le temps d'une semaine, l'amitié déliquescente va tourner au thriller psychologique mêlant habilement plans fixes et longs monologues.

La couronne sans la fève

Le Roi et l'Oiseau de Paul Grimault (1966) Ceci est une histoire vraie. Au royaume de Takicardie, rien ne va plus. Une charmante bergère et un ramoneur de rien du tout fuient la tour d'ivoire du tyrannique Charles Cinq et Trois font Huit et Huit font Seize. L'Oiseau, en révolté au verbe haut, viendra en aide à ces deux amoureux aux sentiments purs jusqu'à atterrir dans la fosse aux lions et soumettre un géant de fer. A coeur vaillant rien d'impossible! Cette poésie animée d'une pulsion de vie est en guerre ouverte contre la bêtise et la duplicité. Pure splendeur jamais égalée, le mouvement des dessins de Grimault rivalisent avec la finesse des dialogues de Prévert. Rituel annuel de mes nuits d'hiver, le Roi et l'Oiseau est sans conteste la plus irrévérencieuse des allégories sur le pouvoir et sa cour. Toujours d'actualité, c'est aussi l'une des plus belle déclarations aux élans amoureux et à la liberté, Ô liberté chérie.

La couronne sans la fève

Mon Roi de Maïwenn (2015) - Les yeux rivés sur le rétroviseur, Mon Roi ramasse la vaisselle cassée d'une passion aussi addictive que toxique. Après avoir passé dix ans sur des montagnes russes, entre bouffées délirantes et suffocations, Tony (Emmanuelle Bercot) finit de skier sur des pentes savonneuses en faisant une vilaine chute. Au détour d'une blessure au "je-nous", la femme désormais soumise au temps et non plus à son seul maître, se souvient. Comment a-t-elle atterri dans ce centre de rééducation? La douleur physique est là pour réparer l’indicible désespérance de la reine devenue crapaud au contact du tyran.

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