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Le cinéma hors normes en dix démesures...

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Devenus icônes populaires ou restés inaperçus, certains films dérangent par leur discours ou une mise en scène audacieuse. Entre fantasmes et satires sociales, les exemples sont nombreux pour saborder les bons sentiments, faire éclater la part de lumière des exclus et défier la nature même du cinéma : créer l'illusion avec l'invraisemblable vérité. Je n'ai retenu que dix films pour vous mettre l'eau à la bouche ...

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Freaks de Tod Browning (1932) - Comment ne pas commencer par cette "monstrueuse parade" où la laideur n'est certainement pas là où l'on croit? Dans cette fable amère, la femme à barbe et le cul de jatte sont les grandes attractions du cirque Tetrallini. Mais à l'ombre du chapiteau et d'une foule hilare devant tant de difformités, c'est un coeur simple qui va défier les normes établies par le cinéma hollywoodien. Par-delà la beauté et la bonté, Hans, le lilliputien, tombe amoureux de Cléopâtre, une trapéziste opportuniste. Qui est vraiment la Bête? Qui est vraiment la Belle? Ce film aux accents fantastiques va inspirer l'imagerie de nombreux cinéastes comme Tim Burton ou Jodorowski. Douloureux et humaniste, ce pamphlet sur les apparences trompeuses bouleverse par ses chemins audacieux et ses dialogues percutants.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Les Nouveaux Sauvages (los Relatos Salvajes) de Damian Szifron (2014) - Dino Risi a popularisé la satire sociale à sketchs avec les Monstres. Cinquante ans plus tard, c'est un cinéaste argentin qui s'acoquine avec la comédie all'italiana pour tordre le cou à toutes les torpeurs d'une classe moyenne prête à imploser. Il faut être deux pour danser le tango, surtout en Argentine. Et visiblement, Ricardo Darin et ses collègues se sont bien amusés à rejouer en quelques tableaux des duels mortels. Un solitaire contre le reste du monde? Un héros kafkaïen en guerre contre l'administration? Une femme bafouée contre un mari volage? Tout y passe dans ce bijou qui ose confronter les normes policées à nos véritables pulsions. A mettre entre toutes les mains pécheresses et tous les esprits survoltés. Ici, par cynisme ou par sadisme, l'humour noir dévaste tout et se consume dans un rire salvateur.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Palindromes de Todd Solondz (2004) - Pépite du cinéma indépendant américain, ce film s'émeut de la volonté sans faille d'une jeune adolescente. Aviva, 12 ans, n'a qu'une obsession : devenir maman. Très vite elle obtient ce qu'elle veut après un coït minable chez le fils des amis de la famille. Enceinte, elle bouleverse l'équilibre et le sens commun. Sa mère ne lui laisse pas d'autre choix que d'avorter. S'ensuivent alors mille et une péripéties qui renvoient systématiquement à la détermination d'une Aviva aux multiples visages. A l'image du palindrome, vous pouvez retournez votre vie dans tous les sens, les circonstances changent mais votre nature profonde restera infaillible. Ce film est hors normes à plusieurs titres. D'abord, ce sont six actrices qui jouent un seul et même personnage. Ensuite, il aborde la question encore très sensible de l'avortement aux Etats-Unis avec un regard ambivalent. Enfin, les dialogues savoureux décortiquent les fanatismes des athées comme des croyants. Voilà une boucle radicale qui commet l'exploit de ne pas tourner en rond.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Soap de Pernille Fischer Christensen ( 2006) Comme son titre l'indique, le film est tourné comme un soap, une sitcom qui suivrait les péripéties de deux voisines qui n'existent que dans les séries télés. Une voix off vient nous avertir des intentions et des dangers qui guettent Charlotte et Veronika. L'une vient de quitter son fiancé sur un coup de tête et se montre froide, désinvolte et égoïste. La seconde est un travesti qui attend l'autorisation pour son changement de sexe. En attendant, elle arrondit ses fins de mois avec quelques clients masochistes aux fantasmes dérangeants. Ces deux asociales étaient faites pour se rencontrer, s'apprivoiser et se séduire. Par une magie que je ne saurais expliquer, le spectateur ressent cette lente montée du désir, cet amour naissant qui ne ressemble en rien à de l'amitié. Cet éveil aux sentiments et aux provocations charnelles raconte, avec finesse et plans serrés bien maîtrisés, un amour hors normes. Preuve en est que les règles austères du Dogme 95 peuvent aussi contribuer à la résurgence d'un romantisme sensuel.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Naissances des Pieuvres de Céline Sciamma (2007) - Pour son premier film, l'enfant prodige du cinéma français aborde déjà ses grands leitmotiv : l'effort physique, le "métier de fille" et les interdits qu'il ne reste plus qu'à braver. Avant Tomboy et Bande de filles, Sciamma nage en eaux troubles avec cette intrusion dans le monde si particulier de la natation synchronisée. Il y a les sourires figés, le maquillage outrancier sur des visages d'enfant, les gestes gracieux et les attributs de l'esprit collectif. Et puis il y a ce qui se passe sous la surface : les jambes qui s'agitent dans tous les sens, le venin d'un désir qui n'a pas sa place entre deux filles, les jalousies si féminines, la schizophrénie d'une adolescente à ce point désirée par tous qu'elle en oublie qui elle est. La réalisatrice déshabille ces corps ritualisés pour faire émerger une part de vrai dans ce bal des leurres. C'est en dehors des normes que chacune va se révéler à la lueur des fascinations, des compromissions et des éclats de révolte salutaires. Une oeuvre majeure sur le mal adolescent et les amitiés souveraines.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Tony Manero de Pablo Larrain ( 2008) - Ce film pour le moins glaçant et dérangeant suit les pas de danse d'un certain Tony Manero. Pas le héros de la Fièvre du samedi soir mais son sosie non-officiel chilien, Alfredo Castro. En 1979, la fête est terminée depuis longtemps au pays de Pinochet. Sans Allende pour démocratiser l'espoir, c'est toute une nation qui a la gueule de bois et s'efforce de réenchanter bêtement le monde à coup de télé-crochet et de films américains. Depuis quelques mois, c'est John Travolta qui passe en boucle dans les salles obscures avec ses chorégraphies de roi de la disco. Alfredo va alors faire l'impossible pour remporter le concours du meilleur sosie. Il est prêt à tuer mais toujours pas à bander. Sans désir ni compassion, il n'agit que dans l'urgence, animé par son seul instinct de survie. Par ses silences pesants et son image jaunie sortie tout droit des années 1970, ce film nous immerge dans le quotidien étouffant de ce désespéré hors normes qui va s'inventer une identité d'homme libre au prix d'une sauvagerie animale.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Rubber de Quentin Dupieux (2010) - Mr Oizo ne nous fait pas seulement remuer le popotin, il sait aussi nous bouleverser avec la vie sentimentale d'un bout de caoutchouc. Et si notre pneu psychopathe aux pouvoirs télékinésiques pouvait parler il vous dirait certainement que l'amour à sens unique n'est pas une longue route tranquille. Dans ses accès de folies meurtrières, notre héros hors normes ne peut s'empêcher de tout faire exploser, jusqu'à ce qu'il rencontre la belle Roxane Mesquida. C'est alors un public de touristes idiots qui se délecte de ce spectacle comme une mise en abyme juste là pour nous rappeler notre condition de spectateur passif prêt à avaler n'importe quoi, même ce scénario ubuesque. Avec un micro-budget et deux semaines de tournage, le DJ esthète parvient à décontenancer toute la rhétorique des blockbusters hollywoodiens. De Steak (2006) à Reality (2014), ses films dystopiques tordent la réalité pour mieux dire l'absurdité du réel.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Pater d'Alain Cavalier (2011) - "Je serais Président, tu serais mon Premier Ministre". C'est en ces termes que pourrait ce résumer ce petit chef d'oeuvre qui abat cette frontière si mince entre la fiction et la réalité. Fini l'exile fiscal, fini les privilèges de nos élus. Alain Cavalier est prêt à reprendre la pays en main et demande très simplement à Vincent Lindon d'être son bras droit dans cette difficile reconquête d'un cinéma militant. Unis jusqu'à la folie, les deux interprètes vont se perdre dans leurs mensonges jusqu'à ce que le personnage prenne le pas sur ce film en train de se faire. C'est le retour de l'enfant prodigue et la fascination pour le père qui sont mis à l'honneur dans cette mise en scène de la passion du pouvoir qui conduira le metteur en scène et son acteur au bord de la schizophrénie. Entre champs/ contre-champs et divines improvisations, chacun se surprend à espérer, à s'inventer des lois à adopter, et pourquoi pas tout promettre pour se faire réélire. Si c'est un film, c'est que c'est vrai.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

A Dangerous Method de David Cronenberg (2011) - Sabina Spielrein (Keira Knightley) est le fruit défendu et la pomme de discorde entre le chef de file de la psychanalyse (Viggo Mortensen) et fondateur de la psychologie analytique (Michael Fassbinder). Ne faut-il réprimer aucun de ses désirs? Aucune de ses pulsions? Toute déviance n'a-t-elle que des origines d'ordre sexuel? Ici, Freud n'est plus qu'un vieillard arrogant, hyper-sexuel non-pratiquant et figure de père qui tombe de son piédestal par péché d'orgueil. Jung, lui, est le jeune protestant bien marié qui renvoie malgré lui l'ancien frondeur à sa judéité et ses propres contraintes financières. Enfant avide de nouvelles expériences et de nouvelles approches, Jung est au bord du mysticisme. En se laissant séduire par sa belle collègue névrosée, il donne la possibilité à chaque patient de se réinventer. Dans ce drame hypnotique, Spielrein tue les convenances, Jung tue le père et Cronenberg tue le mythe.

Le cinéma hors normes en dix démesures...

Rosemary's Baby de Roman Polanski (1968) - Mia Farrow n'est en sécurité nulle part. Le diable se cache dans les détails mais aussi dans son nouvel appartement des beaux quartiers de Manhattan. Le mal est partout et cette future mère est si seule. Progressivement, l'espace intime de la jeune femme est envahi, même le diable s'agite en elle. Le pacte Faustien de Cassavetes, qui joue son époux, rompt le pacte social. Plus de bon voisinage, pas de home sweet home ni de teint hâlé de jeune femme enceinte. Mais plutôt mourir que d'abandonner l'enfant du diable. Mia est une mère avant tout. Tout se passe hors-champ pour l'enfant monstrueux du désir de gloire hors normes d'un acteur raté et l'instinct maternel sans mesure d'une paranoïaque pourchassée. Qui est cet intrus en elle? Année psychédélique, érotique, l'année 1968 sera métaphysique ou ne sera pas. Mais Dieu est mort! Alors laissons Lucie faire.

Bons films !!!

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