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Une Nouvelle Amie de François Ozon - 2014

Une Nouvelle Amie de François Ozon - 2014

"On ne naît pas femme, on le devient." Et en voiture Simone vers les routes tortueuses de l'ambiguïté et de l'ambivalence! Pour son dernier outrage à la bonne morale, François Ozon met du rouge aux lèvres de notre "Arnacoeur" pour faire tomber le masque des convenances. Déjà, la célébration de la mort en poses virginales donne le ton à cette performance qui fanfaronne entre élégie hollywoodienne et ridicule de sitcom. Le cercueil se referme mais il est trop tard, la boîte de Pandore a été ouverte. Laura (Isild le Besco) était la féminité incarnée. De son vivant, la belle blonde canalisait malgré elle les pulsions homosexuelles de sa meilleure amie Claire et les envies de travestissement de son époux David. Rien de moins. Mais François Ozon fait feu ardent de tout bois. L'impossible deuil devient le motif idéal pour retravailler à l'infini l'affirmation identitaire, les attributs de genre et les marécages du désir jugé "déviant".

Naturellement, la féminité ultime réclame au réalisateur esthète de 8 femmes (2001) de faire revivre les héroïnes hitchcockiennes. C'est à la lueur d'un Vertigo d'un nouveau genre, un Vertigo transgenre, que François Ozon réinvente Kim Novak sous les traits d'un Romain Duris au sommet. L'acteur n'hésite pas à s'entourer de miroirs, simuler le plaisir vibrant devant ce reflet de lui en "elle" fardée et décolletée, en Virginia libérée. Ici, les rôles sont inversés. Claire, alter-ego de James Stewart, retrouve son grand amour perdu dans la chevelure blonde et les talons hauts de sa nouvelle amie. Ozon filme Virginia vue par Claire avec la même lumière, la même impression de flou et d'onirisme que dans le chef-d'oeuvre d'Hitchcock. L'hommage à peine déguisé, va jusqu'à la musique qui monte en tension et les paysages américains des années 1960.

Anaïs Demoustier se voit confier un rôle tout aussi ambivalent. D'abord fascinée depuis sa plus tendre enfance par sa meilleure amie, elle s'éteint littéralement le jour de sa mort. C'est au contact d'un nouveau corps de femme à chérir qu'elle recommence à revendiquer sa propre féminité et sa propre jouissance. Lucide, elle est plus secrète encore que le personnage de Duris. Etrangement, c'est David qui le premier cherche à révéler sa nature profonde aux yeux de tous. Réticente, Claire se reconnaît intuitivement dans cette soudaine confidence qu'elle pense devoir garder précieusement. Un mari attentif et compréhensif et un confort petit-bourgeois ne suffisent pas à faire taire des émois profonds mais jamais exprimés. Pour François Ozon, c'est bien le partage d'un désir "pervers" qui casse la honte et brise les tabous. "Comme une évidence", la fulgurante identité de David n'est jamais un combat contre lui-même mais contre les autres. Silencieusement, sans cri ni violence, les deux Amazones, l'une née dans un chou-fleur, l'autre éternelle enfant, se sentent enfin femme l'une avec l'autre. D'ailleurs "Virginia" renvoie par essence à l'idée d'une renaissance, d'une existence nouvelle. Ce second départ les emmène toutes les deux jusqu'à des lendemains que François Ozon leur promet plus glorieux.

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