Nahid de Ida Panahandeh - 2016

Dans le combat quotidien d'une jeune divorcée, les bords de la mer Caspienne prennent des allures de Styx. Prise entre deux rives, Nahid tente d'échapper au fleuve des Enfers et se montre prête à tout pour en extirper son fils Amir Reza.

C'est donc dans la veine d'un Asghar Farhadi que la jeune cinéaste s'immisce dans l'intimité de la classe moyenne iranienne. Quelle dommage!! Le portrait de femme tourne à l'étude sociologique pour spectateurs européens. Ida Panahandeh convoque en 90 minutes les rouages de l'échec iranien : la toxicomanie des époux, le désoeuvrement des jeunes divorcées, le manque d'argent qui tourne à l'obsession, le mariage temporaire. Tout y passe et rien ne vous échappera. Les épaules de Nahid portent à elles seules tous les attributs de l'apartheid sexuel, jusqu'à l'excès.

Pourtant, quelques éclats survivent à cette sinistre suite de la Séparation (2011) de Farhadi. La caméra de surveillance d'un hôtel parvient à capter les moments volés d'une idylle interdite. On y voit même Nahid se laisser aller à quelques folles espérances d'une vie de famille banale. Aussi, par cette caméra intrusive, le spectateur est rappelé à sa condition de voyeur passif, avide de sentiments et de gestes tendres dans un Iran corseté, voilé par les interdits et le poids écrasant de la communauté.

Panahandeh sait aussi regarder ses égales avec un oeil percutant et incisif. Sous son objectif implacable, les épouses comme les mères sont les garantes dévouées d'une société patriarcale. Pourtant, Nahid refuse ce qui lui est imposé par des générations de femmes. Comment dire ce dur labeur sinon en montrant ses mains maltraitées, éprouvées par l'adversité? Par refus du conformisme, notre héroïne travaille, ment, manipule.