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L'année prochaine de Vania Leturcq - 2015

L'année prochaine de Vania Leturcq - 2015

"L'année prochaine" ou comment en un an les rapports de force s'inversent.

Aude (Jenna Thiam), la rousse élancée est l'objet de tous les fantasmes masculins, joviale et sensuelle voire hypersexuelle. Clothilde (Constance Rousseau), "l'autre", "la copine de la bombe du lycée" est plus effacée mais derrière le mystérieux sourire de Mona-Lisa se cache une nouvelle Thérèse Desqueyroux. Comme l'héroïne de Mauriac elle n'est pas faite pour l'ennui de la vie provinciale, ce quotidien qu'elle trouve pour le moins médiocre. Le second rôle veut devenir l'héroïne de son propre roman. Mais son ascension risquerait bien de causer la chute de sa BFF (Best Friend Forever, of course) que Clothilde a décidé de porter à bout de bras sans même son consentement. Clotilde a deux amours, la philosophie et Paris, mais pas d'amant. Elle est toute pétrie de culture légitimiste : Virginia Woolf au mur, Mort à Venise et Télérama sous les yeux et France Culture plein les oreilles. Aude ne sait que plaire et ne pense qu'à sortir. Ces adolescentes sont les deux faces de la femme en devenir. Celle qui tient à la fois du profane et du sacré. Elle est tiraillée entre la volonté d'être un corps purement charnel et celle d'être un esprit pur. Que tu penches pour Dionysos ou pour Kant, passe ton bac d'abord!

Ce casting délicieux peine pourtant à faire oublier les défauts d'un scénario ambitieux mais qui sombre vite dans le cliché. D'abord, le professeur (interprété par un Julien Boisselier qu'on ne voit pas assez souvent ces derniers temps) qui s'entiche de l'étudiante en première année, effacée donc forcément brillante, puis la fille facile incapable d'être autre chose que la reine du lycée. Il faut croire que dans le guide du parfait scénariste en herbe, le feu couve forcément sous la glace et à l'inverse l'exubérance cache nécessairement un déficit intellectuel. Par ailleurs, l'ombre de Mia Hansen-Love plane bien trop sur les tourments d'une figure mélancolique et romantique. D'ailleurs, le choix de Constance Rousseau qui avait interprété Pamela dans "Tout est pardonné" n'y est peut-être pas étranger.

Le film reste malgré tout intelligent en ceci qu'il retranscrit à merveille les errements des jeunes femmes en pleine émancipation et qui timidement mais certainement vont vivre une amitié de plus en plus toxique, abîmée entre autre par la jalousie, la honte et les soucis d'argent. L’œil subjectif et empathique de la réalisatrice nous sert l'intime et l’indicible sur un plateau d'argent. On l'en remercie. Pendant presque deux heures, le spectateur, surtout la spectatrice, ne vit que pour ces deux amies d'enfance vouées à devenir deux étrangères après une seule mais tumultueuse année passée à Paris. On ignore tout de la vie de leurs parents tantôt fantomatiques tantôt inconsistants et c'est très bien comme ça. Il en va de même pour les représentants de l'autre sexe, celui que l'on dit fort mais qui ne se fait pas trop prier pour laisser nos deux gamines se débrouiller comme des grandes. D'ellipses savamment orchestrées en non-dits face caméra, Vania Leturcq sait nous rappeler que tout ce qui compte ce sont leurs nombrils angoissés mais pleins d'espoir.

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