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La tête haute d'Emmanuelle Bercot - 2015

La tête haute d'Emmanuelle Bercot - 2015

Pour sa mère, il est né délinquant. Pour la juge des enfants c'est un gamin qui doit juste saisir la main qu'on lui tend. Pour nous, en tout cas au début, c'est juste un délinquant de plus qui vit dans un HLM à Dunkerque. Le chemin sera long, il nous paraîtra même vain et interminable, pour que Malory, 6 ans, puis 15, puis 16, puisse marcher la tête haute. Splendeurs et décadences de la prise en charge d'une "cause perdue" par les services sociaux, le milieu scolaire et surtout la juge pour mineur. Rires et moments d'effroi pendant près de deux heures dans le bureau d'une sainte, Catherine Deneuve, où s'entrecroisent les portraits d'une mère-enfant, copine, quasi-incestueuse, des éducateurs acharnés, un jeune procureur impatient qui préfère la répression aux énièmes tentatives d'insertion.

Qui est responsable? La faute à qui? Une mère irresponsable, incapable de gérer ses émotions, qui oscille entre larmes feintes et grands élans de séduction avec son ado? La reproduction sociale? Des collèges frileux qui ne peuvent supporter aucun élève qui déborderait du cadre? La faute à une misère culturelle? Une misère économique? L'enclavement des HLM? La faute à sa violence à lui? Sa faute à lui, adolescent de quinze sans père, sans patience, sans mot et souvent sans mère? Il a des accès fulgurants de violence pais c'est surtout son incapacité à communiquer, à mettre des mots sur ses sensations et ses émotions qui frappent en plein ventre.

L'intelligence d'Emmanuelle Bercot c'est de mettre des notes d'humour dans chaque scène. Le temps ne prête pas à rire mais on ne peut s'empêcher de sourire aux métaphores douteuses de la plaidoirie de l'avocat, à l'innocente ironie d'une mère absente, parfois vulgaire, souvent immature, qui donne des leçons d'éducation ou joue la vierge effarouchée quand on lui demande de rendre des comptes, ou encore les ateliers qui peuvent sembler absurdes dans les centres pour jeunes délinquants.

Outre les mesures juridiques, c'est bien évidemment l'amour, les amours qui vont sauver notre héros. Le juge, l'éducateur, puis la fille d'une travailleuse sociale vont briser la solide carapace d'un ado en colère. Impulsif, il cogne, il insulte, il roule à 200 km/h pour freiner la frustration de ne pas être compris.

On était à ça du mythe de Sisyphe mais neuf mois plus tard on retrouve un jeune père vaillant, sans peur ni casquette, protégeant son précieux contre vents et marées. A coup d'espoir, de persévérance et de balai, notre Antoine Doinel du XXIème siècle est enfin devenu un homme.

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