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Une journée particulière d'Ettore Scola - 1977

Une journée particulière d'Ettore Scola - 1977

8 mai 1938. On entend siffler le train. Le voyage du Führer en Italie. Images d'archives. Archives d'une Italie fasciste. Noir et blanc d'une Italie collabo, jouant la midinette devant l'hymne Allemand et mimant la fascination pour le petit homme à moustache. Après la danse des chars, c'est un Ave Hitler trop orchestré pour être honnête. "Deux races crées pour s'entendre".

Sophia Loren, seule, repasse. La ménagère de Trévise tant sollicitée par le Sogni d'Oro de Nanni Moretti, la voilà. Plus sainte que jamais, elle s'en va-t-en guerre chaque matin. La vie de famille est un sport de combat. Puis ça grouille. Des insectes noirs qui courent, qui se ruent vers les célébrations de l'idéal fasciste. Puis le silence. Elle vit coupée de ce monde, entre les quatre murs qu'il faut récurer tous les jours. Elle retourne à ses tâches ménagères, comme une machine sans joie ni colère, résignée. Son bas est filé. Antonietta, tel est son nom, observe l'oiseau qui semble bien être le seul à prendre son envol. Mais ça c'était avant Marcello Mastroianni et ses envies suicidaires. Les chants nationalistes sont dans tous les foyers pendant que notre mater dolorosa se permet de petites coquetteries pour une grande débraillée.

Pas de musique dans la tête de nos deux héros d'un jour. Rien ne se passe comme Antonietta l'avait prévu. Pas même le temps de faire le ménage, de faire table rase du chaos et du mépris matinal. L'oiseau et Gabriele (Marcello Mastroianni) en ont décidé autrement, que cette journée, peut-être la dernière, soit particulière. Café moulu et jeux d'enfants. "L'homme n'est pas un homme s'il n'a ni femme ni enfant." Et s'il est gay? "Le génie est uniquement masculin". Et notre belle brune elle compte pour des prunes? Portraits du Duce, citations du Duce, regard du Duce, armée du Duce, Italie du Duce, oxygène du Duce. Antonietta feuillette ses albums photos consacrés à Mussolini comme s'il était de la famille. Regard consterné de Gabriele

C'est donc un film sur l'initiation politique de la ménagère de moins de cinquante ans. Ah! Elle rit finalement! On plie des draps blancs contre les chemises noires. Hors champ, la force virile est palpable. L'ambiance est électrique, la ferveur populaire est sans équivoque, place à la guerre!! Dans le cadre, il y a de la place pour le doute, on ne voit non pas le peuple mais l'individu qui n'est pas assez fort contre le peuple. Le bruit de la foule contre le silence du désespoir et de la solitude. Aujourd'hui ils seront seuls à deux. Un mur, un drap, un idéal les séparent mais ils sont toujours dans le même cadre. Pas de champ/contre-champ. La famille du Parti exclut, ostracise, supprime, brise. Mais il reste la grandeur de ne pas être comme les autres. Nous avons là deux géants à la marge. "Subversif". "Inutiles". "Antifascistes". Elle aussi, membre de la grande famille du Duce est humiliée, trompée, violée. Mais son plus grand malheur : ne pas être instruire, illettrée, que son mari la trompe avec une institutrice voilà l'ultime outrage. Voilà la méprise de trop après avoir pris ses habitudes dans le bordel local.

Allez, on joue à se désirer, à s'aimer pendant que les autres jouent à être le peuple supérieur en chantant leurs inepties plus fort que les autres. D'un coté comme de l'autre, aucun remords. Antonietta est prête pour la révolution, les Trois Mousquetaires dans les mains, Gabriele de son coté boucle sa valise et refait son lit avant d'être déporté. Chacun ses armes. Les chars et la milice pour les uns, un lit bien fait et l'esprit critique pour les autres. La parenthèse enchantée n'est plus. Il faudra une bonne nuit de sommeil avant que le manège redémarre.

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