Le Policier de Nadav Lapid - 2011

Des lions hors de leurs cages. Une virilité très physique, quasi-animale. Une virilité même sensuelle à force de contacts qui claquent, qui frottent, qui se cherchent pour mieux se jauger. Un récit au plus près de la vie et de la mort. Le corps, toujours le corps. Celui qui change, qui s'arrondit pour donner la vie au prix de courbatures et de vergetures. Celui qui change, qui carbure au venin, soumis à l'extinction tragique des feux. Le corps qui change, qui sue pour mieux s'exhiber, pour mieux s'offrir aux regards tantôt envieux tantôt habités par le désir charnel. Le corps toujours le corps.

L'amitié sera masculine ou ne sera pas. La femme sera maternelle ou ne sera pas. Pour ce qui est des tentations à peau dorée et à robe à fleurs? Chaque muscle est un défi qu'il faut étirer, éreinter, contracter. Pas une minute à perdre, même dans un ascenseur on peut bien faire deux ou trois tractions.

Au fait ça ferait quoi d'être père? Et si on s'observait devant le miroir avec un bébé dans les bras? Dans les bras? Pas vraiment. Le nouveau-né fait plus office d'haltère en grenouillère que d'oisillon à protéger. Bon, Yaron est un homme et il en est fier. En revanche, à la première poursuite judiciaire, nos quatre soldats d'élite tombent tout de suite d'accord pour faire porter le chapeau au cinquième. Le cancéreux, le plus silencieux de tous et surtout celui qui nous rappelle que malgré tous nos efforts nous ne sommes que de pauvres mortels. Ils devaient tous l'accompagner à l'hôpital. Il n'y en aura qu'un. Le traître, le messager de malheur, Yaron.

Il est en permanence dans la performance, dans le contrôle et la mise à l'épreuve de son corps. La mort appelle la vie. Après l'enterrement d'un soldat, et si on flirtait avec la serveuse de quinze ans et demi, en poum poum short et appareil dentaire?

On tue quelques palestiniens, des "terroristes" et on déplore quelques "dommages collatéraux". Mais que fait-on de la jeunesse blanche et juive de Tel-Aviv qui veut casser quelques voitures les soirs d'ennui? Existe-t-il une délinquance autre qu'arabe? autre qu'au delà des frontières de l'Etat hébreu? Il y a quelque chose de pourri au royaume d'Israël. Plus d'archétype de l'ennemi viscéral, de menaces aux frontières de justifications à la droite israélienne. Ici, la jeunesse dorée, instruite, "filles et fils de", héritiers de l'élite qui voyage, qui décide pour les minorités (qui si seulement pouvaient être assez invisibles pour savoir se faire oublier), et bien cette jeunesse là va mendier pour le mendiant, va jouer juste pour l'artiste des rues qui n'a ni talent ni oreille musicale mais seulement un violon qui rapporte quelques sous. Ils organisent la bataille des combattants sans arme.

Mais "la révolution ce n'est pas de la poésie, c'est de la prose." Alors Herzl peut aller se faire voir chez les papous. La guerre n'est ni existentielle ni sioniste, ni internationale. Nadav Lapid commet un crime de lèse-majesté. Ici, le sionisme a tué le judaïsme. La lutte à mort n'oppose plus les justes aux impérialistes occidentaux ni même à ces "arabes" armés jusqu'aux dents. Aujour'hui avoir 20 ans à Tel-Aviv c'est savoir que la lutte sera finale ou ne sera pas. C'est savoir que la guerre sera civile ou ne sera pas. Des disparités sociales trop abyssales, un coût de la vie gargantuesque. Voilà les vrais enjeux occultés par la classe politique israélienne. "Ici, les gens sont idiots. Ce sont les plus exploités et les plus heureux."

Du coté des soldats, on ne sait pas qui sont ces "fils de pute" mais ce qui frappe c'est qu'ils ne sont pas arabes. Stupeur et tremblement !! Fils de juge, ancien parachutiste, ou encore militant pour "des conneries du type "contre le mur de séparation et pour la défense des animaux"", voilà les preneurs d'otages derrière la porte. L'opération nocturne s'avérera funeste pour nos cinq révoltés mais peut être que notre vaillant et patriote Yaron est-il une de ces victimes collatérales qui érodent l'idéal israélien un peu plus chaque jour.