Birdman de Alejandro Inarritu - 2014

Riggan Thomson, star vieillissante, icône des années 1990 dans son rôle de super-héros à plumes Birdman. Il vient se racheter une légitimité et il veut surtout revenir sur le devant de la scène, littéralement, en reprenant une pièce classique sur les planches de Broadway. Pendant deux heures le réel se mêle à la fiction.

D'abord, un plan séquence fabuleux et culotté de 120 minutes. Prodigieux, rythmé, captivant, théâtral. Ensuite, qui de mieux pour jouer ce quinca angoissé, mauvais père et ex-séducteur maladif qu'un Michael Keaton aux rides sublimées, au toupet amovible et au slip blanc pas forcément seyant? Notre Batman déjanté a enfin eu droit à son Pulp Fiction. Il n'y a pas que le come-back chevelu de Travolta dans la vie !! Dans ce film il y a aussi du Maps to the stars. Ces pauvres acteurs hantés par leurs rôles passés, leur célébrité sur le déclin. Casting prodigieux pour un bal des maudits. Edward Norton qui n'existe et ne vit que sur scène. Incapable d'émotion et encore moins d'érection sans un public pour l'applaudir. Scène de combat (viril?) d'anthologie, en verve et en slip coloré. Une Naomi Watts envahie de questions existentielles, qui ne joue que pour quémander un peu d'amour et beaucoup de reconnaissance. Une Emma Stone, "fille de", vouée à n'être qu'une progéniture imbibée et intoxiquée. Mais sa rencontre avec le personnage d'Edward Norton aura peut-être raison des dégâts causés par un père absent.

Où est la fiction? Chaque émotion est colorée par un éclat de jazz survolté, ou n'est-ce qu'un batteur qui répète en coulisse? Des cris, des voix intérieures, des affirmations poétiques, ou n'est-ce qu'un passant qui déclame son texte en voulant être la bande originale du pas pressé de Keaton? Riggan Thomson vole, arpente les immeubles new-yorkais à tire-d'ailes, provoque des explosions, fait tournoyer les objets du quotidien par sa seule volonté, ou vient-il seulement de prendre le taxi et de fracasser son bureau à mains nues?

Pas deux représentations similaires, aléas ou coups de génie? Un public intransigeant. Les Facebook, les Twitter et le simple contact avec la foule sont les nouvelles arènes, des lieux de vie et de mise à mort artistique. L'imposture continue.

Riggan Thomson entend Birdman, s'engueule avec Birdman, commet les 400 coups avec Birdman. Riggan Thomson est Birdman et puis c'est tout, ou comment l'acteur égocentrique s'enferme dans le rôle qui lui a valu un succès fou. Inarritu ausculte la double-identité quasi-pathologique qui le pousse à agir et à lutter dans un microcosme impitoyable.