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Chambre obscure de Vladimir Nabokov - 1934

Impressions sur crépuscule aveuglant.

Impressions sur crépuscule aveuglant.

Avec Chambre Obscure, Vladimir Nabokov confirme qu'il est le plus grand écrivain de tous les temps, parce qu'il annonce toujours le sort cruel qu'il réserve à ses personnages et parce qu'il "prend goût à ce carnage".

Magda est maîtresse de la situation, à peine éprise d'un jeune homme elle exerce très vite son pouvoir d'attraction sur le riche et timide Kretchmar. Son hypnotique sensualité n'a d'égal que la faiblesse des hommes, et leur compte en banque. Pas prude pour un sou, surtout pas pour une fourrure. Elle prend peut-être plus qu'elle ne se donne. Dans ce monde matérialiste, les japonais et les vieux messieurs veulent un corps soumis, et bien Magda aura la voiture et les parures. Aussi ambitieuse que calculatrice elle mène la danse jusqu'au coup de feu de l'ultime départ. Comme dans Lolita, l'escapade fait naître une jalousie obsessionnelle mais justifiée. Les gestes d'enfant qui se mêlent aux éclats les plus vulgaires. Kretchmar est irrésistiblement attiré par cette dualité fille/putain.

Magda infidèle malgré elle? Elle aussi victime de ses pulsions? Kretchmar aime Magda. Magda aime l'aisance. Kretchmar est aisé. Mais pas de sophisme, Magda aime Horn. Horn aime les cobayes. Horn prend le monde entier pour un cobaye. Horn aime dessiner les cobayes. Horn aime gagner de l'argent avec ses dessins de cobayes. Mais aujourd'hui Horn est sans le sou et le monde s'est lassé du cobaye globe-trotter de Horn. Mais bien sûr le vieil amant manipulera Magda qui manipulera Kretchmar ... qui se manipulera pour se convaincre qu'elle est à lui et rien qu'à lui.

Un homme qui se perd, qui perd femme et enfant, littéralement. Une histoire de la violence des passions. Il vaut mieux être aveugle que de voir ça? Non, le plus terrible des chocs serait d'admettre l'inadmissible. Magda est une opportuniste, une garce sans coeur, mais à la fin c'est encore elle qui s'en sans une égratignure alors qu'elle dévaste tout sur son passage.

Quelle ironie! Cette gosse sans scrupule mais brillante lorsqu'il s'agit d'obtenir ce qu'elle veut, capable d'échafauder les stratagèmes les plus complexes, capable de simuler toutes les émotions face à un Kretchmar abruti d'amour, est incapable de jouer trois bouts de scène dans le dernier des navets.

Un chef d'oeuvre cruel. Cruel parce qu'il est drôle, d'une ironie incandescente et inconvenante. Sensuelle écriture. Folle histoire. On y croit parce qu'il n'est jamais question d'amour mais d'objectif. Kretchmar n'aime pas vraiment Magda, il veut seulement se justifier. S'il la désire c'est qu'il l'aime. Si elle lui fait perdre la raison c'est qu'il l'aime. S'il ne peut plus retrouver la douce et rassurante banalité du domicile conjugal c'est qu'il l'aime. S'il commet des actes immoraux et allant à l'encontre de son prestige social c'est qu'il l'aime, non?

Elle ne peut pas le tromper après tous ces sacrifices. Une pulsion ne peut pas avoir causé autant de dégât. Il faut que Magda en vaille la peine. Perdre la vue ne lui aura pas fait ouvrir les yeux. Mais il faudra l'intervention inattendue de Max, le frère de sa femme, pour connaître l'humiliation ultime, cet amant qui vivait nu et le narguait sous son nez. De retour en Allemagne, il voudra donner le coup de grâce mais la volonté de Magda est la plus forte. Il ne retrouve les couleurs et les sensations que dans son agonie alors que notre jeune aventurière est déja parvenue à quitter l'appartement après avoir tiré la première. C'est foutu.

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