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Tale of tales (Racconto dei racconti) de Matteo Garrone - 2015

Tale of tales (Racconto dei racconti) de Matteo Garrone - 2015

Ces derniers temps, les contes ancestraux jettent de mauvais sorts aux cinéastes italiens. Après les frères Taviani, c'est au tour de l'ensorceleur Garrone d'être maudit.

L'adapatation du Pentamerone de Giambattista Basile est ici l'occasion pour le cinéaste de se prêter à un jeu d'équilibriste. Les premiers pas au-dessus du vide abyssal coupent le souffle, mais la chute n'en est que plus terrible à regarder, pour nous pauvres spectateurs impuissants. Ce n'est pas faute de nous avoir ouvert l'appétit avec le percutant Gomorra et un Reality qui flirte de près avec la folie.

Justement, l'enfant gourmand qui sommeille en nous est vite séduit par les somptueux décors et des personnages tout droit sortis d'obscurs contes de fée. Les saltimbanques sont à l'honneur. Eux seuls savent offrir un peu de beauté dans ce monde de fourbes aux costumes pourtant raffinés. A travers ces illusionnistes acrobates, Garrone s'attarde à montrer la vie sur un fil. Tout au long des récits dans le récit il est bien question d'équilibre. Chaque acte a sa contre-partie. La naissance est inextricablement liée à la mort. La sensuelle jeunesse condamne la vieillesse à n'être qu'un méprisable naufrage. La candeur devra aussi se frotter à la brutalité primitive. Dans le labyrinthe des sombres émotions humaines, le cinéaste italien réinvente, entre autres, la mère toxique, affamée d'amour filiale, la Belle et la bête où chacun n'est peut-être rien d'autre que ce qu'il laisse voir, le Prince et le Pauvre au cœur d'une gémellité mystique ou encore l'amitié étrange entre un roi et sa tique éléphantesque.

Certes, Matteo Garrone sait manier une caméra audacieuse. Rien n'est laissé au hasard. Le conteur sait ménager le suspense et cache dans sa hotte des effets de surprise par milliers. On applaudit des deux mains pour le spectacle enchanteur. Mais après avoir filmé la mafia et le surréalisme sans onirisme de la télé-réalité italienne, Matteo Garrone n'a-t-il vraiment rien d'autre à raconter? Pourquoi se hasarder dans la langue de Shakespeare si ce n'est pour filmer l'inflexible Salma Hayek, le noble John C.Reilly et la fantasmagorique Stacy Martin? On reconnaît un choix d'acteurs irréprochable mais le discours est creux. Où veut-il nous emmener au-delà de la lutte à mort du beau contre le laid, de la joyeuse illusion contre le macabre réel?

A l'image du personnage déluré de Vincent Cassel qui gratte à la porte comme un petit chat, Matteo Garrone est lui aussi gouverné par son seul désir. Il en oublie l'hideuse réalité qui se cache derrière la serrure verrouillée : le réalisateur s'est fait mangé tout cru par ses seules ambitions esthétiques.

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