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Sangue del mio Sangue de Marco Bellocchio - 2015

Sangue del mio Sangue de Marco Bellocchio - 2015

Pour son dernier film Marco Bellocchio signe un pacte avec le diable qui malheureusement ne sent même pas le soufre. Comme pour les écrivains en mal d'inspiration, le cinéaste italien a choisi la nouvelle pour nous occuper à défaut de nous subjuguer. Avec deux récits ubuesques Sangue del mio Sangue filme sans âme ce qui est pourtant le village natal du réalisateur et son rapport intime à la gémellité contrariée.

En 1630, le couvent de Bobbio est tourmenté par Benedetta (Lidiya Liberman). La bonne-sœur est accusée d'avoir poussé un homme d'église au suicide. Federico Maï (Pier Giorgio Bellocchio), frère jumeau de ce dernier et homme d'arme, veut obtenir vengeance. La jeune femme devra justifier cet acte désespéré et impardonnable aux yeux de l'Eglise. Si elle confesse ses liens avec Satan et sa passion charnelle avec le mort il pourra enfin être enterré dans un cimetière catholique. Elle avouera de gré ou de force. Benedetta ose désirer mais l'habile séductrice n'enverra pas le frère maudit au paradis. Ce serait oublier que la femme est le péché originel de l'homme. Federico va à son tour se laisser séduire jusqu'à entrevoir la porte de son côté sombre. Bellocchio suit à la trace la lâcheté de ceux qui veulent faire payer à la coupable désignée le désir qu'elle suscite. D'abord, le bruit des ciseaux venus inciser les attributs de la sensualité incandescente. Le plaisir coupable dans les yeux du père Cacciapoti qui caresse le crâne nu de cette femme libre. Ensuite, l'épreuve des larmes. Enfin, l'épreuve du feu. Une puissance, divine ou maléfique, semble toujours lui porter secours jusqu'à une solution implacable à laquelle elle ne pourra que se plier. Trahie, soumise à la disparition, rendue invisible aux yeux des hommes elle continue à hanter les esprits. Le masculin est lâche, habité par le désir impérieux et impétueux du féminin. Les sœurs sont donc condamnées à n'être que des tentatrices malgré elles. Une clochette résonne parfois pour les repousser aux yeux des hommes mais il ne faut jamais oublier que le mal se cache dans le cloître. Benedetta paie parce qu'elle ne veut pas admettre le péché de chair mais son sacrifice ne rachètera jamais le crime des hommes si l'on en croit la seconde histoire.

Quatre-cents ans plus tard, après la sainte pécheresse, c'est au comte (Roberto Herlitzka) d'habiter le cloître devenu prison laissée à l'abandon. Notre vampire des temps modernes agonise le jour mais arpente vaillamment les rues de la ville la nuit. Au crépuscule de la vie, l'homme tourne le dos à la foule et se laisse envoûter une dernière fois par une jeune femme (Elena Bellocchio). Il devient le vestige du vertige amoureux. Dans ce second volet, Bellocchio s'essaye maladroitement à la satire politique en parlant fraude fiscal, star system et arnaque à l'assurance. Même les milliardaires russes sont raillés. Mais tout cela reste bien poli et courtois quand il faudrait s'emporter et se passionner. On retrouve les mêmes acteurs que dans le premier récit mais seul Pier Giorgio Bellocchio reste fidèle à son personnage de Federico Maï devenu inspecteur des impôts. On reconnaît toutefois un dialogue savoureux à la Audiard entre le comte (véritable vampire ou simple arnaqueur?) et son dentiste.

Mais que retenir de cette grande morale sur les crimes du passé qui se répètent dans le présent? Pour éveiller le pécheur qui est en nous il faudrait encore savoir filmer l'objet de la tentation. Deux heures durant, nous devenons cette femme emmurée, condamnés à subir un film qui tourne en rond dès la première scène jusqu'à une fin qui se voudrait abstraite mais n'est jamais qu'absconse. Le silence et les ombres fantomatiques deviennent le procédé systématique des cinéastes qui aimeraient tant s'enorgueillir de n'être que des génies maudits et incompris. Son fou handicapé à 50% (Filippo Timi) semble être le seul acteur censé de cette anthologie de regards larmoyants et de mous boudeuses absolument désuets. Bellocchio préfère surtout filmer avec complaisance ses propres enfants comme s'ils étaient frappés par la grâce. Malgré tous ces efforts, jamais on ne ressent la moindre empathie pour les personnages.

Comme disait l'autre spécialiste de la dissolution incompréhensible, "c'est beau mais c'est loin". Certes, l'oeuvre est picturale, les jeux de lumière sont d'un académisme irréprochable mais Bellocchio est loin de la chair, loin d'une mise en scène enivrante. Il fait ce qu'il peut en singeant le clair-obscur du sensuel Caravage. Et au cas où vous n'auriez pas compris l'hommage, public inculte, un tableau en arrière-plan est toujours là pour vous le rappeler. Mais la mise en scène sans vie et sans aspérité brille par son obscurantisme. D'ailleurs, Marc Dorcel et Gaspar Noé ont du mouron à se faire! Bellocchio est si gêné à l'idée de filmer un plan à trois qu'il vient d'inventer le porno chaste. On s'arrache les vêtements, on se papouille, on se prend par la main et on fait dodo. La Belle Endormie montrait pourtant plus de vigueur à parler de l'euthanasie que Sangue del mio Sangue ne le fait à toucher du bout du doigt le désir irrépressible. A l'image du personnage de ce film datant de 2012, l'énergie de l'italien semble être tombée dans le coma. Faut-il persister dans l'acharnement thérapeutique?

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