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Summertime (the Dynamiter) de Matthew Gordon - 2011

Summertime (the Dynamiter) de Matthew Gordon - 2011

Dans un Mississippi atemporel, Matthew Gordon décline des jeux de lumière à l'infini pour raconter l'héroïsme ordinaire de Robert Hendrick (William Patrick Ruffin). Dans la chaleur étouffante de l'été, le jeune collégien va bientôt souffler ses quinze bougies. Mais déjà, il joue le rôle de mère, de père, d'humoriste et de fée du logis pour son petit frère Fess (John Alex Nunnery) qu'il surprotège malgré son apparente dureté. Bobby n'a jamais connu son papa et la maman a la fâcheuse habitude de prendre la poudre d'escampette. Mais malgré tout, il continue à attendre cette invisible qui habite ses pensées avec une impatience candide, gourmande, simplement enfantine. Pour survivre, l'homme de la maison chaparde tout ce qu'il trouve dans les casiers de la Saint Joseph School. Mais le saint patron des travailleurs et de la famille ne semble pas vouloir veiller sur cet aveu d'échec de l'American Dream. A la veille des grandes vacances, Bobby se fait prendre par monsieur Curtis. S'il écrit un essai assez bien tourné d'ici la rentrée, le professeur pourra peut-être fermer les yeux sur les petits larcins de ce fils de rien dont tout le monde se prend pourtant d'affection. C'est hors-champ, sans contact et sans le réconfort des corps que les voisins le prennent en pitié et lui épargnent bien des visites au commissariat.

La famille c'est sacré! Par une filiation assumée à John Cassavetes, Gordon filme le défi de la pauvreté entre plans serrés et dialogues volés au quotidien d'une fratrie boiteuse mais au regard franc. En dépeignant l'amour fraternel comme la survivance du beau et de la poésie en guerre contre une réalité implacable, le réalisateur habitué des documentaires, n'est pas sans rappeler le Terrence Malick de La ligne rouge ou de The tree of life. L'immatériel, l'espoir aussi humble soit-il déploie toute sa puissance dans l'économie des gestes et les regards bienveillants d'un frère tiraillé qui se lève tous les matins pour continuer à rêver de son désir de famille. C'est par une parfaite maîtrise de la palette chromatique que le spectateur mesure le cocon formé par les deux inséparables nés de la même absence maternelle et d'un père différent. La parenthèse enchantée aux teintes chaudes, lumineuses, solaires, les enveloppe jusqu'à l'intrusion du grand frère. Les couleurs s'assombrissent à mesure que le monde extérieur s'acharne à piquer au vif les minces espoirs du monde intérieur des personnages. Lucas (Patrick Rutherford), ancienne étoile montante du stade mais nouveau délinquant, vient briser cette harmonie. Alors que Bobby est en pleine désobéissance civile contre la reproduction sociale, ce frère "en faute avant même d'être né" l'attrape par la manche pour l'emmener dans sa chute. Pour autant, le jeune garçon veut bien subir son nom mais il est bien décidé à se faire un prénom. Au plus près de la peau, la caméra de Gordon caresse cette jeunesse livrée à elle-même, condamnée à se débattre comme un enragé ou à mordre la poussière. Comme Chloé Zhao et ses Chansons que mes frères m'ont apprises (2015), le réalisateur porte ces laissés pour compte vers la voie de la résilience plutôt que du fatalisme. Ces Tom Sawyer à la vie rude soignent la honte qui se répand de mère en fils par le réalisme de la magie de leurs jeux, et l'onirisme des sermons sur la politesse et la propreté.

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