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La belle promise de Suha Arraf - 2015

La belle promise de Suha Arraf - 2015

Il était une fois ou il n'était pas (ainsi commencent tous les contes palestiniens) la jeune Badia, trop fanée pour rester à l'orphelinat, mais à peine éclose pour poser son baluchon devant la Villa Touma.

2001, pas de 11 septembre et pas encore de seconde Intifada. De toutes façons nos trois chrétiennes de Ramallah sont à mille lieues du conflit israélo-palestinien. Issues de l'aristocratie déchue après la défaite de 1967 et enclavées dans ce petit bout de terre sans avenir, l'honneur est la seule chose qui les préoccupe. S'engage alors un bras de fer entre la jeune Badia et ses tantes aigries qui s'appliquent à organiser noir sur blanc chacune de leur journée, faisant en sorte de connaître le moins de spontanéité possible. Le moindre imprévu, le moindre faux pli serait perçu comme un outrage à leur rang. Ainsi, l'austérité veut se déguiser sous les traits de l'élégance. En vain. Les trois vieilles filles cachent leur déchéance derrière des draps de soie et des cuillères en argent. Mais personne n'est dupe.

Rappelons par ailleurs que ce film n'a de palestinien que le nom. La production, l'équipe technique, les acteurs et même les lieux de tournage sont israéliens. Alors pourquoi nous faire passer des vessies pour des lanternes? Toujours est-il que la scénariste des Citronniers se penche sur un sujet jusque-là inexploré. Alors que toute la communauté chrétienne de Ramallah s'est exilée en Europe depuis longtemps, les soeurs Touna restent là comme un chêne qu'on n'abat pas, comme des poupées de cire dans un musée dédié au kitsch. Leurs tenues sont complètement anachroniques et n'ont d'autre ambition que de faire comprendre qu'en effet ces femmes endimanchées dès le lundi ne sont pas comme nous, pauvres mortels, ne sont pas comme eux, musulmans sans titre de noblesse. Leurs gants, qu'elles portent en toute occasion, les protègent de la laideur et de la médiocrité du monde qui les entoure. Mais, sans même qu'elles s'en aperçoivent, elles se ridiculisent plus qu'elles ne se distinguent.

La belle promise de Suha Arraf - 2015

Jamais le masque ne tombe, tout simplement parce qu'il n'y a pas de masque. Elles sont rongées par l'orgueil et l'amertume, empêchant toute résilience. Il n'y a aucune issue quand bien même les événements ne manqueraient pas d'essayer de leur rendre une part d'humanité. Elles sont faibles parce qu'elles se croient invincibles.

Mais où est Badia là-dedans? Quel est donc ce secret qui entoure son existence? Son père, le frère de ses tante, est chrétien. Jusqu'ici tout va bien. Mais Ô rage! Ô désespoir! Sa mère est musulmane. Pas de miséricorde pour Roméo et Juliette. Ils n'auront ni tombe ni pardon.

Et ce n'est pas en s'amourachant d'un beau réfugié palestinien que Badia va arranger les choses. Pourtant leurs premiers échanges sont si subtils qu'ils nous bouleversent. On n'en est tout émoustillés. Devant l'écran de cinéma, bien enfoncée dans son siège, la clim' peut être un peu trop forte, le coeur bat plus vite, on tombe un peu amoureux nous aussi, on attend un mariage pour la belle promise. Mais ce serait trop facile bien sûr. Suha Arraf nous rappelle que les territoires palestiniens sont un peu une Sin City, une cité maudite où la tragédie est un éternel recommencement, une épreuve de tous les jours. Plus de Khaled du camp de réfugiés de Kalandia, que des "martyrs" célébrés sur les murs comme de simples spots publicitaires, interchangeables.

La belle promise de Suha Arraf - 2015

Il se pourrait bien que Badia ait gardé un souvenir impérissable de son idylle avec Khaled. Vite! Il faut sauver le soldat Toua. Il n'y aura pas de bâtard dans la famille, il s'agit alors de trouver un fiancé en quatrième vitesse. Juliette, Antoinette et Violette font le tour de quatre mariages et un enterrement pour trouver celui qui portera leur croix. Mais Dieu est-il seulement avec elles?

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