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La Isla Minima d'Alberto Rodriguez - 2014

La Isla Minima d'Alberto Rodriguez - 2014

Les têtes de cerf semblent avoir mauvaise réputation depuis Twin Peaks. Entre la série de David Lynch, celle de Jane Campion "Top of the Lake", la première saison de True Detective et enfin la Isla Minima, ces vestiges d'un chasseur conquérant semblent attirer les tueurs en série, les orgies qui tournent mal et les jeunes victimes névrosées en mal de reconnaissance paternelle. Mais ici ces pauvres bêtes sont aussi le témoin silencieux d'une Espagne scindée non pas amnésique mais propulsée dans une transition démocratique de façade qui n'a même pas laissé le temps aux fascistes de trouver de nouveaux slogans. Pas de procès, pas d'aggiornamento, pas de débat sur l'histoire récente alors il vaut mieux faire table rase du passé et faire comme si les tortures n'avaient jamais eu lieu, faire comme si tous les espagnols avaient combattu Franco.

Revenons à nos moutons andalous. En septembre 1980 deux flics déchus (deux générations prêtes à s'affronter) sont placardisés hors de Madrid pour se retrouver dans l'Espagne profonde. Pedro (Raul Arevalo), le plus jeune, est un idéaliste qui a dépassé les bornes en dénonçant les restes du franquisme dans un quotidien national. Il est encore pétri de l'idéal démocratique à l'heure où l'armée a encore la main sur le politique et la Justice. Juan (Javier Guttierez), plus matinal et bien plus ambigu incarne les relents du franquisme. L'homme au passé trouble use et abuse de la violence pour parvenir à ses fins. Ils se connaissent à peine, se méprisent déjà mais ils vont devoir travailler ensemble sur une affaire de disparition qui va très vite devenir une affaire de meurtres en série. Dans cette Andalousie reculée Franco est peut-être mort mais il hante encore les chambre d'hôtels miteuses. Sa photo à côté de celle de Hitler, sur un crucifix, annonce les enjeux auxquels devront faire face nos Dupont et Dupond.

Dès le générique, Rodriguez revisite le film noir par le prisme du psychologique et du métaphysique. Et c'est certainement pour cette raison que l'analogie avec True Detective est si intuitive. Le delta du Guadalquivir, véritable dédale, dessine les infinies imbrications qui existent entre les policiers, l'affaire, la vie locale et le climat politique national. Au-delà d'une lutte à mort entre le Bien et le Mal, le cinéaste sort à grands pas hors des sentiers battus et préfère filmer la fusion de ces grands concepts pour mieux dire les tiraillements presque "dostoievskiens" de l'homme moyen qu'il se croit bon ou qu'il se sache mauvais.

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