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Aferim! de Radu Jude - 2015

Aferim! de Radu Jude - 2015

Premier plan entre Terre et Ciel, fabuleux, où les plantes ont des formes de phallus venimeux. Avec ces érections piquantes le mâle est aussi enraciné dans son machisme qu'il se répand comme une mauvaise herbe. Nous voilà en 1835, en plein voyage hallucinogène dans les profondeurs de la Roumanie encore régie par un système féodal. Constantin Sin Ghorghe, brigadier, est chargé de retrouver Cerfin, l'insolent tzigane esclave qui a osé trousser l'épouse consentante du cruel boyard Cindescu. Pour les honnêtes roumains de souche, les tziganes ne sont que les fils de Cham, des "noirs" condamnés par Noé à la servitude éternelle.

Comme dans le Septième Sceau (1957) d'Ingmar Bergman, le noir et blanc (à l'image des personnages) ne laisse aucune place à la nuance. L'image sculptée nous emmène sur les traces d'un parcours initiatique, le brigadier prodiguant les rudiments de la vie à son fils, alors que la peste fait rage. L'épidémie, comme dans le chef d'oeuvre suédois, annonce le dernier châtiment, le Jugement Dernier pour un peuple qui a péché sans jamais se repentir. Mais une autre peste bien plus virulente prolifère. La parole et son venin transmettent le racisme de père en fils. Ici, la Roumanie n'est qu'une bigote impie et supersticieuse. Chaque geste, chaque mot se justifie par les lois sacrées ou les lois de la coutume. Tant et si bien que la haine de l'autre n'est jamais que le fait de la supériorité naturelle et objective de l'homme roumain. La xénophobie érigée en noble patriotisme parvient à faire porter un âne sur le dos d'un cheval. Qui sont les bêtes quand il n'y a ni solidarité ni empathie?

Comme l'a dit Alain "le pouvoir absolu corrompt absoument". Le maître émascule l'esclave, le vassal. Et ce dernier va à son tour réifier, s'approprier le corps des femmes. De ces destructions en chaînes émane un film ambitieux et réussi qui ausculte non seulement la Roumanie actuelle mais qui dénonce la servitude volontaire en terre démocratique. Radu Jude prend les armes contre ses concitoyens aveuglés par des idéaux inconsistants où l'implacable et fortunée virilité fait loi.

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