Soleil de Plomb (Zvizdan) de Dalibor Matanic - 2016

Balkans, l'éternel recommencement? De 1991 à 2011, trois déclins de l'empire humain à l'ombre des murs criblés de balles. Trois décennies de haine usée jusqu'à la corde. Trois romances empêchées. Trois chroniques de ces étés brûlants qui embrasent les esprits. C'est en Dalmatie que se jouent les 101 ritournelles de Soleil de Plomb.

Le cinéaste croate nous laisse d'abord entrevoir l'amour à la plage. Mais c'est pour mieux te croquer le cœur mon enfant. Nos deux tourtereaux, l'une serbe, l'autre croate, n'échapperont pas à l'Histoire. La guerre civile aura bien lieu. Le son des trompettes, le bord de lac paradisiaque et le ciel sans nuage ne pourront rien contre les petites humiliations, les grands éclats de nationalisme et les barbelés qui poussent comme du chiendent. Même les moutons sont affligés par tant d'instinct animal.

Gare à ces jolis minois qui portent ce film à bout de bras! Tihana Lazavic est aussi robuste et impérieuse qu'une héroïne du dessinateur Crumb. Ce corps ancré dans le sol et cette démarche assurée sont à l'image de ses Juliette insoumises, révoltées, implacables et sensuelles malgré elles. Jelena, Natasa et Marija, serbes, portent toute cette colère viscérale amèrement tenue secrète. Goran Markovic, lui, le Roméo croate, est la pierre angulaire de ce triptyque. Il joue d'abord l'amour impossible, puis le désir que l'on s'interdit pour enfin faire affleurer les premières résiliences. Pas le temps pour le romantisme, encore moins pour l'amour courtois. Il aura fallu trente ans pour en arriver là.

Aussi, prêtez l'oreille à la bande originale du film qui vous transporte dans chaque période et vous plonge dans l'atmosphère particulière de chacune des histoires. De la fanfare du village à la techno assourdissante, vous n'échapperez pas à cette obsession du contact ni à la moiteur des nuits croates.