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Qui veut tuer Jessie? de Václav Vorlíček - 1966

Qui veut tuer Jessie? de Václav Vorlíček - 1966

Shebam! Pow! Blop! Et ça Wizz aussi dans ce comic-strip à la sauce tchèque qui vient seulement de sortir dans les salles de France et de Navarre.

A la veille du Printemps de Prague un vent de liberté souffle sur la caméra de Václav Vorlíček. A l'époque, le président Dubcek défend un "socialisme à visage humain". Contre le conservatisme communiste le réalisateur propose, lui, de réinventer l'imaginaire outre-Atlantique pour dézinguer la lobotomie collective et collectiviste. Le film mêle subtilement prises de vue classiques et codes du film d'animation. Hasard ou hommage, vingt ans plus tard ce sera "Qui veut la peau de Roger Rabbit?" qui osera à son tour le mélange des genres.

En 1966, Vorlíček décrit Prague en cité technique mais sans énergie, sans le moindre érotisme. Henri, toujours dans la lune, est un ingénieur industriel qui voit systématiquement ses calculs le mener à l'échec. Une poutre finit toujours par tomber. Sa femme, Rose, est en passe d'obtenir un prix Nobel pour avoir fait une découverte majeure. La sévère mais brillante chercheuse a trouvé le moyen d'influencer les rêves. Jusque-là, l'imagination était le seul vestige de la liberté de penser. Désormais, grâce à ces blouses blanches toutes puissantes et à leur science des rêves le régime ne connaîtra plus de limite. Preuve en est, même les vaches ne feront plus de cauchemars. Adieu les piqûres de taons, bonjour la lactation en pleine croissance. Le problème, c'est que la scientifique à l'éthique toute personnelle a beau supprimer les rêves, ils finissent toujours par se matérialiser.

En panne d'inspiration, Henri tombe heureusement sur "Qui veut tuer Jessie?". Dans cette bande-dessinée de contrebande, la pulpeuse héroïne est poursuivie par un vilain cow-boy et un méchant super-héros bodybuildé aux collants, il faut le dire, fort seyants. Mais à qui peuvent bien faire penser ses icônes venues de l'Ouest? En pleine Guerre Froide qui plus est? Mystère! Toujours est-il que les deux grands méchants loups veulent dérober le secret des gants antigravitation à la belle rebelle. D'ailleurs, revenons à Jessie quelques instants. Nul doute que Vorlíček persiste et signe dans les références de la sous-culture occidentale. Ici, Jessie n'est certes pas bavarde mais son décolleté parle pour elle. En vengeresse hyper-sexualisée, elle est une nouvelle Barbarella, arrêt sur image de la libération sexuelle créé par le dessinateur Forest en 1962 (repris sur grand écran par Roger Vadim en 1968). Si à Prague il n'y a pas encore d'orgasmotron, arme privilégiée de Barbarella, il y a bien des cordes pour attacher la divine Jessie. Bettie Page est certainement passée par là. La blonde aux gants futuristes semble emprunter toutes ses expressions à la pin-up des années 50, célèbre pour ses clichés fétichistes. Souvent pieds et poings liés, jamais vaincue, Jessie finit par prendre vie dans le monde réel après qu'Henri ait rêvé d'elle un peu trop fort. Et là commence l'art des effets spéciaux qui feraient pâlir d'envie James Cameron. Si les rêves maintenant devenus réalité ne parlent toujours pas, ils bullent. C'est à l'aide de pancartes en carton que ces êtres venus d'ailleurs communiquent.

Sauvé par la blonde, Henri n'a jamais été aussi créatif. Mais sa femme ne l'entend pas de cette oreille. L'autorité ne peut pas condamner les rêves, mais elle peut juger ceux qui les font. Si c'est aux chercheurs de savoir ce qui est bon pour l'humanité, c'est au tribunal de condamner ce qui reste d'individualité. Soyez rassurés chers cinéphiles, dans cette oeuvre aussi satirique qu'onirique, le rêve est bien plus productif et combatif qu'il n'y paraît. Continuez à manifester dans les bras de Morphée.

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