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Stardust Memories de Woody Allen - 1980

Stardust Memories de Woody Allen - 1980
Stardust Memories de Woody Allen - 1980

En 1980, Woody Allen nous donne à entendre le tic-tac d'une bombe prête à exploser. Celle d'une névrose fatiguée d'amuser la foule hilare.

L'image est forte dans ce premier plan muet virtuose. Alan Konigsberg, juif de Brooklyn devenu le pitre que l'on connaît, est enfermé dans le train de la mort. Parmi les gens laids, les vieillards, les peureux, notre anti-héros impassible ne comprend pas encore ce qui l'attend. En face, un train en direction opposée est rempli de blondes incandescentes (première apparition de Sharon Stone en Marilyn Monroe) et de sportifs blonds aux yeux bleus ayant tous un verre de champagne à la main et le sourire aux lèvres. Les optimistes parleront de train de la vie, les cyniques de train de la vacuité. Le bonheur serait un état de béatitude niaise réservé aux WASP? Qu'il serait bon d'être léger et frivole. Heureux ou pas tous les voyageurs arrivent sur une décharge, condamnés à trouver le sens de la vie parmi les déchets.

La fête est finie? A ses débuts, Allen était le roi du stand-up. Déja, l'autodérision, ses origines, sa mère et ses rapports difficiles avec les femmes tenaient le premier rôle dans sa critique acerbe de la condition humaine. Mais désormais, dans la vie comme dans le film l'humoriste commence à se poser des questions existentielles. Pas très commercial les états d'âme me direz-vous. La souffrance ne se vend pas à Kansas City. Les producteurs s'acharnent alors à écorcher son scénario morbide pour en faire une joyeuse comédie.

Allen joue avec les décors, avec du ton sur ton. Le papier peint est à l'image des sentiments de Sandy Bates, quitte à frôler le politiquement incorrect en pleine guerre du Viêt-Nâm et mouvement anti-psychiatrique initié par Foucault. Vivre est une torture. Mais l'atmosphère se détend puisque Groucho Marx n'est jamais bien loin. Encore une fois, Woody Allen rend hommage à l'Age d'Or Hollywoodien pour réinventer l'intimité au cinéma. C'est par cette volonté incongrue qu'on entrevoit les plans-séquences les plus ambitieux jamais vus. Comme toujours chez Woody Allen, l'absurde, la pulsion de vie et le tragique sont intimement liés. Stardust Memories peut aussi être vu comme un conte rohmérien. Comme dans Ma Nuit chez Maud (1969), le héros est tiraillé entre deux femmes que tout oppose : la passion ou la raison? D'abord, Dorrie (Charlotte Rampling) qui est une jeune actrice ingérable, adepte des anti-dépresseurs et à la jalousie maladive. Puis Isabelle ( Marie-Christine Barrault, qui par ailleurs incarne le même archétype dans Ma Nuit chez Maud), sainte divorcée, mère de deux enfants, qui pourrait lui apporter douceur et stabilité. Mais cela demanderait de l'engagement à ce narcissique impénitent.

Mais par-delà les petits flirts et les grandes amours de Sandy Bates, "Stardust Memories" s'articule surtout autour des effets dévastateurs de la mémoire. L'homme se souvient. Il revit les moments qui ont déterminé ses errements d'aujourd'hui. Enfant, il lui suffisait de mettre une cape pour s'envoler. Aujourd'hui il doit sourire et signer des autographes à toutes les hystériques qui l'agressent à chaque coin de rue. Adolescent, il lui suffisait de manier les cartes pour faire illusion et soulever le public. Désormais, il a besoin de l'argent des producteurs et d'un bon agent pour continuer ses tours de magie. Dans cet exercice réussi de mise en abîme, Sandy Bates alias Woody Allen ne s'appartient plus, il est l'objet de tous les désirs. La caméra subjective nous donne cette impression d'être la bête de foire, en représentation permanente, que tout le monde scrute dans ses tournées en province. Le cinéaste est condamné à fait rire malgré lui.

Mais Woody Allen semble avoir enfin percé le mystère. Une simple réminiscence, "un souvenir filant" finit par calmer ses turpitudes. Il sait ce qu'est le bonheur : un moment fugace d'une banalité absurde. Un instant de grâce le samedi matin entre deux cafés.

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