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Sogni d'Oro de Nanni Moretti - 1981

Sogni d'Oro de Nanni Moretti - 1981

Michele Apicella, encore lui, devient un alter ego aussi gourmand que fainéant. Le cinéaste de la jeunesse désabusée n'a pas tourné depuis trois ans mais réclame l'adoration d'un public qui l'a déjà oublié. Il ne fait plus rien, est-ce à dire qu'il n'est plus rien? Le jeune homme multiplie les débats après projection dans les cinémas minables, les universités et même devant les bonnes sœurs. Mais rien n'y fait! Dans ce parterre d'intellectuels complaisants, vous trouverez toujours un rabat-joie pour lui rappeler que sa carrière tourne en rond, que ses "non-films" ne s'adressent ni au paysan de Lucanie ni au berger des Abruzzes et encore moins à la ménagère de Trévise. Voilà donc ce qu'est devenu le "public" : une course à l'audimat qu'il faut mesurer en ciblant le spectateur moyen.

A l'aube de la dictature de la télé dépourvue de réalité, Nanni Moretti reconnaît son grand passage à vide et sa soif de reconnaissance dans cet exercice stylisé et certainement douloureux d'autocritique. L'Italie déserte les salles de cinéma depuis que le Cavaliere est parti à la croisade du foyer type. Le personnage cynique et agressif décliné à l'infini par Dario Cantarelli incarne ce discours démagogique et superficiel sur les nouveaux besoins de la classe moyenne. Lorsque le prolétariat post-68 rentre de son dur labeur, il aurait presque un besoin viscéral de se reposer devant les veline de Canale 5. Le nombriliste aux cheveux longs qui prétend parler des jeunes ne peut rien contre les potiches officielles de Berlusconi priées de bien vouloir se dénuder entre deux interviews potaches d'hommes politiques. Entre un tournage difficile et les provocations d'un cinéaste bouffon à la popularité grandissante, Michele va finalement jouer le jeu de l'humiliation consentie dans les nouvelles émissions de télé. Que le meilleur gagne! Il fredonne à son tour un chant hypnotique et abrutissant devant un "public de merde" conquis et lobotomisé. "Faites de beaux rêves!" Enfin, l'enfant sage arrive à dire la déferlante de vulgarités qui s'abat sur les médias italiens sans jamais tomber dans la fange du mauvais goût. Plus symbolique que ses prédécesseurs, le fils d'enseignants ne se salit pas les mains comme Pasolini et ne plonge pas non plus dans l'humour paillard de Fellini. Mais avec ce scénario délicieux, Moretti parvient une fois de plus à mêler la désolation d'un homme et les visions de Cassandre sur la vacuité en voie de faire déborder les médias jusqu'à la nausée.

Ajoutons que Remo Remotti y est pour beaucoup dans l'ivresse étourdissante de Sogni d'Oro. Alors que Moretti peut tourner une scène en 80 prises, l'acteur de Mamma Roma s'est permis quelques improvisations pour interpréter un Freud qui, comme Michele et sûrement Nanni Moretti, ne veut pas surmonter son complexe d'Oedipe. Attendez-vous à quelques éclats de rire pour épicer ce constat d'échec amer sur le sens de l'art. Dans ce film personnel, le réalisateur orgueilleux se convainc que le succès populaire est l'antinomie du talent. Aussi, l'allusion à celui qui "a apporté la peste" dans notre inconscient n'est pas sans lien avec les cauchemars angoissants que fait Michele. Chaque nuit, il s'imagine revenir à l'état d'échec, à l'absence de la carrière cinématographique. Le seul cinéaste italien autoproclamé vit toujours seul avec une mère qu'il maltraite mais ce qui le tourmente c'est de finir en enseignant malheureux, amoureux déçu d'une de ses élèves. Pas n'importe laquelle, Laura Morante. Finalement, c'est à l'ombre de ses pensées intimes que Michele se surprend à rêver d'un scénario romantique fait pour le public et les critiques qu'il exècre. Comme contaminé par ce qu'il combat par ses manières princières, il cache peut-être une jalousie encombrante dont il n'arrive pas à se libérer.

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